Le Conseil constitutionnel a rendu, le 29 septembre 2011, une décision relative à la réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Plusieurs requérants critiquaient les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 déléguant au décret le soin d’organiser la discipline des avocats. Ils soutenaient que le législateur aurait méconnu sa compétence législative en renvoyant ces matières au domaine réglementaire sans fixer de garanties suffisantes. Cette méconnaissance aurait porté atteinte aux principes de légalité des délits et des peines ainsi qu’à l’indépendance des juridictions. Le Conseil constitutionnel devait déterminer si la fixation des sanctions professionnelles et de la procédure de règlement des honoraires relevait exclusivement du domaine de la loi. Les sages ont déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution en distinguant précisément les matières pénales des matières disciplinaires.
**I. La reconnaissance d’une compétence réglementaire en matière disciplinaire**
**A. La distinction opérée entre le droit pénal et le régime disciplinaire**
Le Conseil constitutionnel affirme que « la détermination des règles de déontologie, de la procédure et des sanctions disciplinaires applicables à une profession ne relève ni du droit pénal ni de la procédure pénale ». Cette position s’appuie sur une lecture stricte de l’article 34 de la Constitution qui définit limitativement le domaine réservé au législateur. La discipline des avocats appartient au domaine réglementaire dès lors qu’aucun principe fondamental placé dans le domaine de la loi n’est directement mis en cause. La Haute juridiction refuse d’assimiler les peines professionnelles aux sanctions pénales qui exigent une définition législative rigoureuse des crimes et des délits. Le pouvoir exécutif dispose d’une latitude légitime pour encadrer les obligations déontologiques d’une profession réglementée sous le contrôle vigilant du juge administratif.
**B. L’existence d’un cadre législatif suffisant pour l’exercice du pouvoir réglementaire**
Le législateur a défini les structures fondamentales de la profession en prévoyant l’inscription obligatoire des avocats auprès d’un ordre professionnel spécifique. La loi précise que chaque barreau est administré par un conseil de l’ordre veillant au respect des devoirs professionnels et à l’inscription au tableau. En prévoyant que les fautes peuvent entraîner « l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer leur activité », le législateur a fixé l’essentiel des sanctions possibles. Le renvoi au décret pour les modalités d’application ne constitue donc pas une abdication de la compétence législative face au pouvoir exécutif. Le cadre légal existant suffit à garantir que les sanctions disciplinaires resteront en rapport étroit avec l’objet social et professionnel de la profession d’avocat.
**II. La protection des garanties fondamentales face à l’incompétence négative**
**A. La condition de l’affectation d’un droit constitutionnel protégé**
Le juge constitutionnel rappelle que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée que si elle affecte un droit garanti. Cette règle limite les griefs d’incompétence négative aux seules situations où le silence de la loi fragilise concrètement une liberté publique fondamentale. Les requérants invoquaient le principe de légalité des peines, mais le Conseil écarte ce moyen en soulignant la nature strictement professionnelle du contentieux disciplinaire. Le grief est rejeté car le renvoi au décret « ne méconnaît pas l’article 34 de la Constitution » et ne porte atteinte à aucun autre droit constitutionnel. La protection des citoyens contre l’arbitraire reste assurée par les principes généraux du droit qui s’imposent à l’autorité réglementaire lors de l’édiction des décrets.
**B. La validation de la procédure réglementaire de contestation des honoraires**
Le texte confie au pouvoir réglementaire la détermination de la procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et des honoraires. Cette disposition n’a pas « pour objet de confier au pouvoir réglementaire l’édiction de règles que la Constitution a placées dans le domaine de la loi ». Le législateur peut déléguer l’organisation d’une procédure de conciliation ou de taxation sans empiéter sur les garanties fondamentales accordées aux citoyens. La décision confirme que le règlement des litiges pécuniaires entre un avocat et son client relève des modalités pratiques de l’exercice professionnel. L’absence de méconnaissance de compétence législative garantit la sécurité juridique tout en permettant une adaptation souple des règles procédurales par la voie du décret.