Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-181 QPC du 13 octobre 2011

Le Conseil constitutionnel a rendu le 13 octobre 2011 une décision relative à la constitutionnalité de l’article L. 63 du code du service national. Le litige opposait un agent public à l’administration au sujet des modalités de reprise d’ancienneté après son service national. Le requérant avait accompli ses obligations en tant qu’objecteur de conscience avant l’entrée en vigueur de la réforme législative de l’année 1983. Sa demande de prise en compte de cette période pour son avancement et sa retraite fut rejetée par les autorités administratives. Le Conseil d’État a transmis une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la différence de traitement entre les diverses formes de service. La question portait sur la conformité de l’exclusion des objecteurs de conscience au principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Les juges ont considéré que la restriction prévue par le code créait une distinction injustifiée au regard de l’objet de la norme. Cette décision conduit à l’examen de la rupture d’égalité identifiée avant d’envisager les conséquences de la censure constitutionnelle.

**I. La caractérisation d’une rupture d’égalité injustifiée**

**A. Une distinction fondée sur la forme du service national**

Le Conseil rappelle que le législateur peut régler de façon différente des situations distinctes ou déroger à l’égalité pour des raisons d’intérêt général. En l’espèce, les dispositions litigieuses réservaient la mesure de reprise d’ancienneté aux jeunes gens ayant accompli leur service dans les conditions du titre III. Cette rédaction excluait les objecteurs de conscience qui relevaient, avant la loi du 8 juillet 1983, du titre II du même code. Ces citoyens pouvaient pourtant satisfaire à leurs obligations « soit dans une formation militaire non armée, soit dans une formation civile assurant un travail d’intérêt général ». La juridiction souligne ainsi que la loi créait deux catégories d’agents selon la modalité choisie pour servir la Nation durant leur période d’activité. L’examen de cette distinction constitue le préalable nécessaire à l’appréciation de sa constitutionnalité au regard des exigences de l’article 6 de la Déclaration de 1789.

**B. L’absence de justification par l’objet de la loi**

La différence de traitement n’est constitutionnelle que si elle se trouve « en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » selon la jurisprudence. Le Conseil observe que le législateur a entendu assimiler la période de service national à un service accompli dans la fonction publique pour le calcul des droits. L’objectif poursuivi consistait à valoriser l’engagement du citoyen au bénéfice de sa carrière administrative future sans considération pour la nature des tâches effectuées. Dès lors, le fait d’exclure les objecteurs de conscience du bénéfice de cette mesure constitue, « au regard de l’objet de la loi, une différence de traitement injustifiée ». Le Conseil sanctionne une discrimination qui ne repose sur aucun critère objectif en lien avec la finalité de l’avancement et de la retraite. Cette décision protège les convictions religieuses ou philosophiques ayant motivé le choix de cette forme particulière de service national actif.

**II. La sanction de la différence de traitement et ses effets**

**A. L’abrogation de la condition restrictive de l’ancienneté**

Le constat d’inconstitutionnalité entraîne l’éviction des termes litigieux afin de mettre fin à la rupture d’égalité identifiée par les juges de la rue de Montpensier. Le Conseil déclare ainsi contraires à la Constitution les mots « accompli dans l’une des formes du titre III » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 63. Cette technique de la censure partielle permet de maintenir la disposition en vigueur tout en élargissant son champ d’application à l’ensemble des formes de service. La norme épurée garantit désormais que tout temps de service national actif est compté pour sa durée effective dans le calcul de l’ancienneté. Cette solution assure une pleine conformité avec le principe selon lequel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le législateur se voit contraint de respecter une neutralité absolue quant aux modalités d’accomplissement des obligations civiques des agents publics.

**B. La garantie de l’effet utile pour les litiges en cours**

La déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de publication de la décision et bénéficie immédiatement aux justiciables engagés dans une procédure. Le Conseil précise que cette censure « peut être invoquée dans les instances en cours » dont l’issue dépend des dispositions déclarées contraires à la norme suprême. Cette précision garantit l’effet utile de la question prioritaire de constitutionnalité pour le requérant ainsi que pour les autres agents dans une situation analogue. La portée de cette décision dépasse le simple cas individuel pour rétablir les droits à l’ancienneté de tous les anciens objecteurs de conscience devenus fonctionnaires. Le Conseil précise enfin que le surplus de l’alinéa contesté n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Cette décision de principe renforce la protection contre les discriminations fondées sur les opinions personnelles dans l’accès aux avantages sociaux de la fonction publique.

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Hassan KOHEN
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