Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-186/187/188/189 QPC du 21 octobre 2011

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 21 octobre 2011, une décision relative à la conformité du régime transitoire issu de la réforme de la filiation de 2005. La question portait sur les conséquences de l’établissement de la filiation maternelle, par la simple désignation dans l’acte de naissance, sur la nationalité des personnes majeures. Des requérants contestaient le fait que les enfants nés hors mariage, majeurs en juillet 2006, ne puissent acquérir la nationalité française par la seule mention du nom maternel. L’ordonnance du 4 juillet 2005 a supprimé la distinction entre filiations légitime et naturelle, prévoyant que « la filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci ». Toutefois, une disposition transitoire précise que ces nouvelles règles « n’ont pas d’effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur ». Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel devait examiner si cette exclusion méconnaissait le principe d’égalité devant la loi garanti par la Déclaration de 1789. Le problème juridique résidait dans l’appréciation d’une différence de traitement entre les enfants mineurs et majeurs lors de l’entrée en vigueur de la réforme législative. Le Conseil a déclaré la disposition conforme, estimant que le législateur a entendu assurer la stabilité de la nationalité des personnes à la date de leur majorité. Cette décision met en lumière la préservation de la stabilité de la nationalité, avant de souligner la validation d’un régime transitoire fondé sur la sécurité juridique.

I. La préservation de la stabilité de la nationalité par le maintien d’une distinction résiduelle

A. L’exclusion des effets de la filiation sur la nationalité des personnes majeures

L’article 311-25 du code civil établit désormais la filiation maternelle par la simple mention du nom de la mère dans l’acte de naissance de l’enfant. Cette règle généralisée met fin à l’exigence de reconnaissance volontaire ou de possession d’état autrefois imposée aux seuls enfants nés hors du mariage. Pourtant, le Conseil relève que les personnes majeures avant le 2 juillet 2006 « ne peuvent se prévaloir de la seule désignation de leur mère » pour devenir françaises. Le juge constitutionnel constate ainsi le maintien d’une « différence de traitement » entre les enfants légitimes, les mineurs naturels et les majeurs naturels.

B. Une différence de traitement justifiée par un objectif d’intérêt général

Le principe d’égalité n’interdit pas de régler différemment des situations distinctes pour des motifs d’intérêt général, à condition que le lien soit direct avec l’objet. En l’espèce, le législateur a souhaité éviter un « changement de nationalité des personnes majeures » consécutif à une modification imprévue des règles de filiation. La haute juridiction considère que cette distinction présente un « caractère résiduel » et répond à un « objectif d’intérêt général de stabilité des situations juridiques ». La rupture d’égalité est ainsi écartée car la différence de traitement ne porte pas sur le lien de filiation lui-même, mais uniquement sur ses conséquences nationales.

La reconnaissance de cet intérêt général permet alors d’inscrire ces dispositions transitoires dans une cohérence globale avec le droit commun de la nationalité.

II. La validation constitutionnelle d’un régime transitoire au service de la sécurité juridique

A. La mise en cohérence des dispositions transitoires avec le droit commun de la nationalité

Le Conseil constitutionnel souligne que les dispositions contestées sont en « cohérence avec celles des articles 17-1 et 20-1 du code civil ». Ces textes prévoient que les lois nouvelles sur la nationalité d’origine s’appliquent aux mineurs et que la filiation doit être établie durant la minorité. Le juge constitutionnel réaffirme ici une règle constante selon laquelle la nationalité doit être fixée de manière définitive au moment de l’accès à la majorité. L’objectif est d’empêcher que des évolutions législatives ultérieures ne viennent modifier rétroactivement le statut civique des citoyens pleinement capables.

B. La portée limitée de la décision au regard de l’égalité devant la loi

La décision précise que la différence de traitement résultant de la « succession de deux régimes juridiques dans le temps » n’est pas contraire à la Constitution. Le Conseil refuse d’étendre les bénéfices de la réforme de 2005 aux majeurs, limitant ainsi la portée de l’unification des filiations en matière de nationalité. Cette solution consacre la primauté de la sécurité juridique sur l’égalité parfaite entre tous les enfants nés hors mariage, quelle que soit leur date de naissance. Dès lors, les Sages valident une transition législative qui privilégie la pérennité des droits acquis sur l’harmonisation immédiate des statuts personnels.

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Hassan KOHEN
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