Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011

La décision rendue par le Conseil constitutionnel le 25 novembre 2011 examine la conformité du régime disciplinaire applicable aux membres de la profession de vétérinaire. Un professionnel a contesté les articles du code rural relatifs aux manquements déontologiques et à la composition de la chambre supérieure de discipline. Le requérant soutenait que l’absence de prescription des poursuites méconnaissait un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il invoquait également une atteinte aux principes d’indépendance et d’impartialité en raison de la présence de membres ordinaux au sein de la juridiction. La question posée aux juges portait sur la validité constitutionnelle d’un système répressif professionnel dépourvu de délai de forclusion et composé de pairs. Le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution, tout en assortissant sa décision d’une réserve d’interprétation significative. Cette étude abordera d’abord la validation de la procédure de sanction sans prescription, avant d’analyser les garanties d’impartialité imposées à l’instance disciplinaire.

I. La validation de la procédure de sanction et l’absence de prescription législative

A. L’écartement d’un principe fondamental de prescription en matière disciplinaire

Les juges de la rue de Montpensier affirment qu’aucune loi antérieure à 1946 n’impose une règle de prescription pour les poursuites engagées devant les instances disciplinaires. Le grief tiré de la méconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République est donc logiquement écarté par la haute juridiction. Cette position confirme que le législateur dispose d’une liberté d’appréciation pour définir le cadre temporel de la répression des fautes déontologiques professionnelles. Le Conseil rappelle que « les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s’étendent à toute sanction ». L’exigence de définition des manquements est satisfaite dès lors que le texte vise les devoirs découlant de l’activité exercée ou de l’institution. Cette approche pragmatique permet de maintenir une vigilance déontologique constante sans que le simple écoulement du temps ne puisse effacer les fautes professionnelles commises.

B. Le contrôle de proportionnalité des peines face à l’écoulement du temps

La décision précise que le législateur doit éviter toute « inadéquation manifeste entre les peines disciplinaires encourues et les obligations dont elles tendent à réprimer la méconnaissance ». Si la loi ne fixe pas de délai de prescription, le principe de proportionnalité impose néanmoins une prise en compte du temps écoulé. L’autorité disciplinaire doit veiller à ce que la sanction reste nécessaire et proportionnée malgré l’ancienneté des faits reprochés au professionnel mis en cause. Cette exigence constitutionnelle limite les risques d’une répression arbitraire ou tardive qui ne tiendrait pas compte de l’évolution de la situation du praticien. Le Conseil considère que « ces dispositions ne sont pas contraires à l’article 8 de la Déclaration de 1789 » sous réserve d’une application équilibrée. La validité du régime repose ainsi sur la capacité du juge à moduler sa sévérité en fonction de la date de commission des manquements.

II. La garantie d’impartialité au sein des juridictions professionnelles

A. L’admission de la présence des pairs dans les formations de jugement

L’article L. 242-8 du code rural prévoit que la chambre supérieure de discipline est composée de membres du conseil supérieur de l’ordre. Le Conseil constitutionnel juge que cette participation de membres élus par leurs pairs ne porte pas atteinte aux principes d’indépendance et d’impartialité. La présence d’un magistrat de la Cour de cassation exerçant la présidence de l’instance constitue une garantie suffisante pour assurer la régularité des débats. La spécificité des juridictions ordinales justifie que des professionnels puissent juger les comportements de leurs confrères au regard des règles de l’art. Selon la décision, cette composition « n’a pas pour effet, en elle-même, de porter atteinte aux exigences d’indépendance et d’impartialité de cet organe ». La légitimité technique des membres de l’ordre compense leur absence de statut de magistrat professionnel pour l’appréciation des fautes déontologiques.

B. La stricte séparation des fonctions de poursuite et de jugement

La conformité de la loi est toutefois subordonnée à l’impossibilité pour un membre ayant engagé les poursuites de siéger au sein de la juridiction. Le Conseil énonce une réserve d’interprétation interdisant à toute personne ayant accompli des actes d’instruction de participer au délibéré sur la sanction. Cette règle assure le respect de l’impartialité objective en évitant que le juge ne se prononce sur une cause dont il a déjà eu connaissance. Les dispositions « ne sauraient avoir pour effet de permettre qu’un membre […] qui aurait engagé les poursuites disciplinaires […] siège au sein de la chambre ». Cette précision jurisprudentielle aligne le droit disciplinaire des vétérinaires sur les standards élevés du procès équitable garantis par l’article 16 de la Déclaration. Le respect des droits de la défense demeure la condition impérative de la validité constitutionnelle des procédures répressives organisées par les ordres professionnels.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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