Le Conseil constitutionnel a rendu le 3 février 2012 une décision portant sur la validité de l’article L. 2324-2 du code du travail. Cette disposition encadre la faculté pour une organisation syndicale de nommer un représentant au comité d’entreprise dans les grandes sociétés. Le requérant invoquait une rupture d’égalité entre les syndicats selon leur situation lors de l’entrée en vigueur de la réforme législative. La Cour de cassation avait transmis cette question prioritaire de constitutionnalité afin de vérifier la conformité du texte aux libertés fondamentales. Le litige concernait la légitimité d’une application immédiate des nouvelles conditions de représentativité pour les mandats de représentation syndicale. Les juges ont décidé que le texte était conforme en validant la transition progressive organisée par l’interprétation de la haute juridiction. L’examen de la constitutionnalité du nouveau critère de désignation précédera l’analyse de la régularité des modalités transitoires prévues par le législateur.
I. La constitutionnalité du nouveau critère de désignation syndicale
A. La subordination de la désignation à l’existence d’élus
L’article L. 2324-2 du code du travail dispose que chaque organisation syndicale ayant des élus au comité peut y nommer un représentant. Le Conseil estime qu’en « subordonnant la désignation d’un représentant syndical à la condition d’y avoir des élus », le législateur respecte la Constitution. Le principe d’égalité n’interdit pas de traiter différemment des situations distinctes lorsque l’intérêt général commande une évolution des règles de droit. Cette exigence de représentativité assise sur le suffrage des salariés renforce la légitimité des acteurs participant au dialogue social dans l’entreprise. La différence de traitement critiquée par le requérant repose ainsi sur une situation objectivement liée à l’objet de la loi nouvelle.
B. La spécificité de la mission de représentation au comité
L’argumentation du requérant reposait sur une comparaison entre le régime des délégués syndicaux et celui des représentants au comité d’entreprise. Le Conseil écarte ce grief en affirmant que « la mission de représentation syndicale au comité et celle de délégué syndical sont différentes ». Le législateur pouvait donc fixer des règles d’entrée en vigueur distinctes sans méconnaître les principes de liberté syndicale et d’égalité. L’absence de report de la loi aux prochaines élections professionnelles ne constitue pas une discrimination injustifiée au sens de la déclaration des droits. La spécificité des fonctions exercées par chaque représentant justifie l’existence de calendriers de transition qui ne sont pas obligatoirement identiques. La validation du principe de représentativité électorale commande l’étude des conséquences pratiques liées à l’entrée en vigueur de la réforme législative.
II. La validité des modalités d’entrée en vigueur de la loi
A. La liberté législative quant au calendrier de la réforme
Le grief portait également sur l’impossibilité pour certains syndicats de désigner de nouveaux représentants dès le lendemain de la publication de la loi. Le Conseil rappelle qu’il était loisible au législateur de prévoir une application immédiate des nouvelles conditions de désignation du représentant syndical. Cette liberté de fixer le domaine temporel de la loi permet d’assurer l’effectivité rapide des réformes souhaitées par la représentation nationale. La sécurité juridique n’impose pas systématiquement le maintien des règles anciennes jusqu’au renouvellement complet des instances de représentation du personnel.
B. La reconnaissance d’une transition jurisprudentielle progressive
L’interprétation de la Cour de cassation permet de maintenir les mandats en cours jusqu’aux prochaines élections malgré l’absence d’élus du syndicat. Le Conseil valide ce mécanisme car ces dispositions « organisent une transition progressive entre deux régimes successifs de représentation syndicale ». La Haute juridiction interdit simplement la désignation de nouveaux représentants par des organisations ne remplissant pas encore les nouveaux critères légaux. Cette solution équilibrée préserve les droits acquis tout en amorçant la mutation vers un système de représentation fondé sur le résultat électoral. Les dispositions contestées ne sont ainsi contraires à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit selon les termes de la décision.