Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-217 QPC du 3 février 2012

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 3 février 2012, une décision sur la constitutionnalité de l’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Cette disposition législative réprime l’entrée ou le séjour irrégulier d’une peine d’un an d’emprisonnement ainsi que d’une amende de trois mille sept cent cinquante euros. Un ressortissant étranger a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité lors d’un litige portant sur l’application de ces sanctions pénales à sa situation personnelle. Le requérant prétendait que ces mesures méconnaissaient le principe de nécessité des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. Il invoquait également l’incompatibilité de la loi nationale avec une directive européenne relative au retour des étrangers en situation irrégulière sur le territoire national. Le Conseil constitutionnel devait examiner si la criminalisation du séjour irrégulier respectait les exigences de proportionnalité imposées par le texte suprême de la République française. Les juges ont déclaré la disposition législative conforme en écartant le grief tiré du droit de l’Union européenne et en validant le choix du législateur. L’étude examinera l’exclusion du contrôle de conventionalité de la loi avant d’analyser la validation constitutionnelle des peines prévues pour le délit de séjour irrégulier.

I. L’exclusion du contrôle de conventionalité par le juge constitutionnel

A. La distinction entre le grief d’inconstitutionnalité et le défaut de compatibilité internationale

Le Conseil constitutionnel réaffirme la séparation stricte entre le bloc de constitutionnalité et les engagements internationaux souscrits par la France dans le cadre européen. Il affirme qu’un « grief tiré du défaut de compatibilité d’une disposition législative aux engagements internationaux et européens de la France ne saurait être regardé comme un grief d’inconstitutionnalité ». Cette position classique interdit l’examen des traités internationaux dans le cadre de la procédure spécifique prévue à l’article 61-1 de la Constitution française. La haute juridiction refuse par conséquent d’apprécier la validité de la loi au regard de la directive européenne invoquée par les parties au litige. Cette décision préserve l’autonomie du contrôle de constitutionnalité face aux normes supranationales dont l’application relève d’autres autorités juridictionnelles compétentes sur le territoire.

B. Le renvoi du contrôle de conventionalité aux juridictions administratives et judiciaires

Le respect des normes européennes incombe aux juges ordinaires qui doivent écarter toute loi nationale contraire aux engagements internationaux de la République française. La décision souligne que « l’examen d’un tel grief relève de la compétence des juridictions administratives et judiciaires » agissant dans leur domaine habituel. Le Conseil constitutionnel décline sa compétence pour éviter de devenir un juge de la conformité des lois aux traités internationaux ou au droit communautaire. Cette répartition claire des rôles assure une cohérence du système juridique tout en limitant le champ d’action du juge constitutionnel aux seuls droits garantis. Cette distinction fondamentale permet alors d’aborder le fond de la contestation sous le prisme exclusif des principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité.

II. La validation de la proportionnalité des sanctions pénales encourues

A. Le cadre restreint du contrôle exercé sur la nécessité des peines

L’article 8 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires au maintien de l’ordre. Le Conseil souligne que la définition des infractions et des peines relève du pouvoir d’appréciation souverain du Parlement dans l’exercice de sa fonction législative. Il lui incombe toutefois « de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue » par l’auteur des faits reprochés. Ce contrôle restreint limite l’intervention juridictionnelle aux seules erreurs manifestes d’appréciation commises par les représentants de la nation lors du vote de la loi. La nécessité des sanctions demeure ainsi une prérogative politique encadrée par le respect minimal des libertés fondamentales inscrites dans le bloc de constitutionnalité français.

B. La légitimation constitutionnelle de la répression pénale du séjour irrégulier

Les sanctions d’emprisonnement et d’amende prévues pour le séjour irrégulier ne sont pas considérées comme excessives au regard de la nature de l’incrimination. Les juges estiment que « les peines ainsi fixées, qui ne sont pas manifestement disproportionnées, ne méconnaissent pas l’article 8 de la Déclaration de 1789 ». Le Conseil valide la possibilité pour l’État de sanctionner pénalement le non-respect des conditions d’entrée et de maintien des étrangers sur le sol français. Cette solution confirme la constitutionnalité du délit malgré les débats doctrinaux portant sur l’utilité réelle de la peine privative de liberté dans ce domaine. L’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers demeure par conséquent un instrument juridique parfaitement régulier au sein de l’ordonnance républicaine.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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