Le Conseil constitutionnel a rendu, le 10 février 2012, une décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le droit des transports. Le litige initial concernait la réglementation des services de transport de personnes au moyen de motocyclettes ou de tricycles à moteur. Un requérant a soulevé l’inconstitutionnalité de dispositions législatives encadrant cette activité professionnelle devant les juridictions de l’ordre administratif. La question a été transmise au Conseil constitutionnel afin d’apprécier la conformité de ces normes aux droits et libertés garantis par la Constitution. Les Sages devaient déterminer si des dispositions issues d’une ordonnance non ratifiée ou d’une loi abrogée avant son entrée en vigueur effective pouvaient être contrôlées. Le Conseil constitutionnel juge qu’il n’y a pas lieu de statuer car les dispositions contestées ne revêtent pas un caractère législatif ou n’ont jamais été applicables.
I. L’exclusion des normes dépourvues de caractère législatif formel
A. L’incompétence du juge constitutionnel face aux ordonnances non ratifiées
Le Conseil constitutionnel précise d’abord le champ d’application de l’article 61-1 de la Constitution concernant les ordonnances non ratifiées par le Parlement. Les dispositions du code des transports issues de l’ordonnance du 28 octobre 2010 sont écartées car l’acte n’a pas encore fait l’objet d’une ratification. La décision souligne que « les dispositions du code des transports rappelées ci-dessus ne revêtent pas le caractère de dispositions législatives au sens de l’article 61-1 de la Constitution ». Cette solution rappelle la nature hybride de l’ordonnance qui demeure un acte administratif tant que le législateur ne l’a pas formellement confirmée. Le juge constitutionnel refuse ainsi d’étendre sa compétence à des textes qui n’ont pas encore acquis une pleine valeur législative dans l’ordre juridique.
B. La permanence du grief constitutionnel malgré l’abrogation de la norme
L’abrogation d’une disposition contestée ne constitue pas, en principe, un obstacle automatique à l’examen de sa constitutionnalité par la juridiction suprême. Le Conseil affirme que « la modification ou l’abrogation ultérieure de la disposition contestée ne fait pas disparaître l’atteinte éventuelle aux droits et libertés ». Cette position garantit l’effet utile de la question prioritaire de constitutionnalité pour les justiciables ayant subi les effets de la norme critiquée. L’intérêt à agir subsiste même si la règle n’appartient plus au droit positif au moment où le juge doit se prononcer sur le fond. La protection des droits fondamentaux impose que le contrôle puisse s’exercer sur des dispositions ayant vocation à s’appliquer au litige principal.
II. L’exigence d’une application effective de la norme contestée
A. L’absence d’entrée en vigueur de la disposition législative critiquée
La décision apporte une précision majeure concernant les lois dont l’entrée en vigueur est subordonnée à l’intervention nécessaire de mesures réglementaires d’application. L’article 5 de la loi du 22 juillet 2009 prévoyait des sujétions pour les prestataires de transport mais nécessitait un décret pour devenir pleinement opérationnel. Le décret requis n’est entré en vigueur qu’après l’abrogation de la disposition législative initiale qui servait de fondement juridique à la mesure. Le Conseil constitutionnel observe ainsi que « cette disposition législative, jamais entrée en vigueur, est insusceptible d’avoir porté atteinte à un droit ou une liberté ». L’absence d’existence concrète de la norme dans la vie juridique interdit toute confrontation avec les principes supérieurs de la Constitution.
B. L’impossibilité d’un contrôle de constitutionnalité sur une règle inopérante
L’inapplicabilité matérielle de la disposition législative entraîne l’absence d’objet de la question prioritaire de constitutionnalité soumise à l’appréciation du juge de la rue de Montpensier. Puisque la loi n’a jamais produit d’effets de droit, elle ne peut avoir lésé les intérêts du requérant ni restreint ses libertés garanties. Le Conseil conclut qu’il « n’y a donc pas davantage lieu, pour le Conseil constitutionnel, d’en connaître » concernant cette disposition spécifique restée lettre morte. Cette décision de non-lieu à statuer préserve l’office du juge constitutionnel en évitant des débats purement théoriques sur des textes inopérants. La procédure de QPC reste ainsi un mécanisme concret destiné à écarter des règles effectives qui porteraient atteinte aux droits des citoyens.