Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-629 DC du 12 mai 2011

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé, le 12 mai 2011, sur la conformité de la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. Plusieurs membres du Parlement critiquaient l’intelligibilité de ce texte hétérogène et contestaient la régularité de la procédure législative suivie lors des débats parlementaires. Les requérants visaient notamment des dispositions relatives au travail dissimulé, à l’organisation du Conseil d’État et à la procédure devant les juridictions administratives. La saisine dénonçait également l’introduction tardive de nombreux amendements dépourvus de lien avec le texte initial déposé devant les assemblées. Le juge constitutionnel devait déterminer si la complexité structurelle d’une loi de simplification portait atteinte à des objectifs de valeur constitutionnelle. Il devait aussi préciser l’étendue du droit d’amendement reconnu aux parlementaires et au Gouvernement durant la navette législative. Le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel des dispositions de fond tout en censurant plusieurs articles qualifiés de cavaliers législatifs. L’analyse portera d’abord sur la reconnaissance de la constitutionnalité des lois de simplification, avant d’aborder la rigueur du contrôle de la procédure d’amendement.

**I. La reconnaissance de la constitutionnalité des lois de simplification**

Le Conseil constitutionnel rejette le grief tiré de la méconnaissance de l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi en raison de son hétérogénéité. Il affirme qu’« aucune exigence constitutionnelle n’impose que les dispositions d’un projet ou d’une proposition de loi présentent un objet analogue ». Cette position permet au législateur de regrouper des mesures diverses au sein d’un même texte pour simplifier l’ordonnancement juridique.

La complexité des réformes entreprises ne saurait suffire à invalider un texte législatif tant que les dispositions restent précises et non équivoques. Le juge considère que « la complexité de la loi et l’hétérogénéité de ses dispositions ne sauraient, à elles seules, porter atteinte » à la Constitution. Cette souplesse favorise l’efficacité de l’action parlementaire dans des domaines techniques exigeant des corrections rapides et multiples.

**A. La validité des mécanismes de responsabilité contractuelle**

L’article 93 de la loi instaure des pénalités contractuelles pour les personnes morales de droit public dont les cocontractants pratiqueraient le travail dissimulé. Les requérants soutenaient que ce dispositif entraînait une contractualisation de la responsabilité pénale et méconnaissait le principe de responsabilité personnelle. Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en soulignant que ces sanctions civiles ne se substituent pas aux poursuites pénales éventuelles.

L’objectif poursuivi est de responsabiliser les donneurs d’ordre publics quant au respect des obligations légales par leurs partenaires économiques habituels. Le texte prévoit que les contrats « doivent comporter une clause stipulant que des pénalités peuvent être infligées au cocontractant » fautif. Cette mesure de police administrative et contractuelle renforce la lutte contre la fraude sociale sans altérer les principes fondamentaux du droit répressif.

**B. L’encadrement des fonctions du rapporteur public**

L’article 188 permet au président d’une formation de jugement administrative de dispenser le rapporteur public d’exposer ses conclusions à l’audience. Les sénateurs craignaient une atteinte au principe d’égalité devant la justice et une opacité sur la nature de cette dispense. Le juge constitutionnel précise que cette faculté ne s’exerce que dans des matières spécifiques où la solution paraît s’imposer.

Le Conseil estime que les dispositions litigieuses « ne sont ni obscures ni ambiguës » et garantissent la bonne administration de la justice. La dispense peut être décidée quand l’affaire « ne soulève aucune question de droit nouvelle » et nécessite une proposition du rapporteur public lui-même. Cette rationalisation de l’audience préserve l’équilibre entre la célérité du jugement et le respect des droits des parties à l’instance.

**II. La rigueur du contrôle de la procédure d’amendement**

Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle strict sur les conditions d’introduction des amendements par les parlementaires ou par les membres du Gouvernement. Il s’appuie sur l’article 45 de la Constitution pour vérifier l’existence d’un lien suffisant entre l’amendement et le texte initial. Cette jurisprudence vise à protéger la clarté des débats et à éviter l’adoption de dispositions totalement étrangères à l’objet initial.

L’exigence de constitutionnalité impose que les modifications apportées présentent un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis lors de la discussion. Le juge constitutionnel censure systématiquement les adjonctions qui ne répondent pas à ce critère organique fondamental de la production législative. Cette surveillance garantit la cohérence du travail parlementaire et prévient les dérives procédurales lors de l’examen de textes volumineux.

**A. La sanction des cavaliers législatifs en première lecture**

L’article 187 relatif au mode de nomination des auditeurs du Conseil d’État est déclaré contraire à la Constitution pour des motifs purement procéduraux. Le juge relève que ces dispositions « ne présentent pas de lien même indirect avec celles qui figuraient dans la proposition de loi ». L’introduction de cette réforme statutaire lors de la première lecture méconnaît ainsi les exigences de l’article 45.

Le même sort est réservé à l’article 190 concernant la validation des reclassements au sein de certains établissements de soins privés d’hospitalisation. Cette mesure n’avait aucun rapport avec l’objet premier du texte visant à simplifier le droit pour les citoyens et les entreprises. La censure frappe ces articles sans que le Conseil n’ait besoin d’examiner les griefs de fond soulevés par les parlementaires saisissants.

**B. La limitation des modifications lors de la seconde lecture**

Le contrôle s’accentue lors de la deuxième lecture où les adjonctions doivent être en relation directe avec une disposition restant encore en discussion. Le Conseil constitutionnel censure le 5° de l’article 65 concernant les missions de sensibilisation confiées à une autorité administrative indépendante. Cette disposition nouvelle n’était pas destinée à assurer le respect de la Constitution ou à corriger une erreur matérielle manifeste.

Plusieurs autres articles subissent une censure identique car ils ont été introduits tardivement sans lien avec les sujets déjà débattus précédemment. Le juge énumère ainsi les articles 55, 62 et 127 comme ayant été « adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ». Cette fermeté jurisprudentielle assure que la navette législative ne serve pas de vecteur à des réformes clandestines ou précipitées.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture