Le Conseil constitutionnel a rendu, le 6 avril 2012, une décision portant sur la conformité des articles 64-1 et 116-1 du code de procédure pénale. Cette affaire traite de l’obligation d’enregistrement audiovisuel lors des interrogatoires menés en matière criminelle devant les autorités de police ou d’instruction. Un requérant a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’exclusion de cette mesure pour les crimes liés à la criminalité organisée. La Cour de cassation a transmis cette question le 7 février 2012, estimant que le grief présentait un caractère sérieux. La défense soutenait que cette exception portait atteinte au principe d’égalité devant la loi et au respect des droits de la défense. La question posée aux juges portait sur la validité constitutionnelle d’un régime dérogatoire privant certains suspects d’une garantie procédurale protectrice. Le Conseil déclare les dispositions contraires à la Constitution car elles créent une discrimination injustifiée entre les justiciables selon la gravité de l’infraction. La rupture de l’égalité devant la procédure pénale justifie une censure immédiate suivie d’un renforcement de la protection juridictionnelle des droits.
I. La rupture caractérisée de l’égalité devant la procédure pénale
A. L’identification d’une discrimination entre les suspects de crimes
La loi du 5 mars 2007 a imposé l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires criminels afin de garantir la sincérité des procès-verbaux d’audition. Toutefois, le septième alinéa des textes contestés excluait cette garantie pour les crimes relevant de la criminalité organisée ou du terrorisme. Le Conseil constitutionnel relève que cette distinction instaure une différence de traitement majeure entre les personnes suspectées d’avoir commis un crime. Il considère que « la différence de traitement instituée (…) entraîne une discrimination injustifiée » au regard de l’objectif de vérification des propos retranscrits. Cette analyse souligne l’importance d’une application uniforme des garanties procédurales fondamentales à tous les prévenus, quelle que soit l’infraction.
B. L’absence de fondement légitime aux restrictions de l’enregistrement
Le législateur justifiait cette exclusion par la complexité des enquêtes et la nécessité impérieuse de préserver le secret de l’instruction criminelle. Les juges constitutionnels écartent cet argument en rappelant les mécanismes de sauvegarde déjà présents dans le code de procédure pénale. La loi permet d’écarter l’enregistrement en cas d’impossibilité technique ou de pluralité de personnes devant être simultanément interrogées par les enquêteurs. De plus, la consultation des supports reste strictement limitée aux parties et la diffusion non autorisée demeure sanctionnée par des peines pénales. Les dispositions contestées « ne trouvent une justification ni dans la difficulté d’appréhender les auteurs (…) ni dans l’objectif de préservation du secret ».
II. Le renforcement de la protection constitutionnelle des droits de la défense
A. La prééminence du contrôle de proportionnalité en matière d’investigation
Cette décision illustre la rigueur du contrôle exercé par les juges sur les mesures d’investigation spéciales portant atteinte aux libertés individuelles. Le législateur doit concilier la prévention des atteintes à l’ordre public avec l’exercice des droits constitutionnellement garantis par la Déclaration de 1789. Bien qu’« aucune exigence constitutionnelle n’impose l’enregistrement », la restriction apportée au droit de vérifier les interrogatoires ne paraissait pas nécessaire. La valeur de ce jugement réside dans le rappel que la gravité d’un crime ne permet pas de sacrifier l’équité procédurale. Cette position harmonise le droit pénal en limitant les régimes d’exception qui ne reposent sur aucune nécessité technique ou sécuritaire réelle.
B. L’abrogation immédiate des dispositions dérogatoires et ses conséquences
La déclaration d’inconstitutionnalité entraîne l’abrogation des septièmes alinéas des articles 64-1 et 116-1 du code de procédure pénale avec un effet immédiat. Cette mesure s’applique aux auditions de personnes gardées à vue et aux interrogatoires des mis en examen réalisés après la publication. Elle offre désormais une protection identique à tous les justiciables, mettant fin à une procédure à deux vitesses pour les suspects organisés. Le Conseil constitutionnel impose ainsi une règle claire qui sécurise le déroulement des instructions criminelles sur l’ensemble du territoire national. La portée de cet arrêt confirme l’influence grandissante des principes constitutionnels sur les actes quotidiens de la police judiciaire française.