Par une décision du 13 avril 2012, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative au droit du travail. Un salarié a contesté une disposition législative privant certains travailleurs des sanctions liées à la nullité de leur licenciement économique. L’article critiqué écarte l’application de la réintégration pour les personnes justifiant d’une ancienneté inférieure à deux années au sein de l’entreprise. Le requérant invoquait une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi et une atteinte manifeste au droit constitutionnel d’obtenir un emploi. Un recours avait été initialement porté devant les juridictions de l’ordre judiciaire avant que la question ne parvienne au juge constitutionnel. La question posée aux juges portait sur la conformité à la Constitution d’une telle distinction fondée sur la durée de présence dans les effectifs. La juridiction suprême a déclaré la disposition conforme en estimant que le législateur a opéré une conciliation équilibrée entre des principes opposés. L’étude de cette solution conduit à analyser la validation du critère d’ancienneté (I) puis la conciliation entre les libertés constitutionnelles (II).
I. La validation d’un critère d’ancienneté au regard du principe d’égalité
A. L’objectivité et la rationalité du critère retenu
Le Conseil constitutionnel rappelle d’abord que le principe d’égalité permet au législateur de régler de façon différente des situations qui ne sont pas identiques. Il précise que la différence de traitement doit être « en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » pour demeurer constitutionnelle. En l’espèce, le choix de l’ancienneté comme critère de distinction est jugé conforme car il repose sur une base factuelle vérifiable et incontestable. Les juges affirment ainsi qu’en « retenant un critère d’ancienneté du salarié dans l’entreprise, le législateur s’est fondé sur un critère objectif et rationnel ». Cette approche renforce la sécurité juridique des employeurs tout en limitant l’accès à certaines protections spécifiques pour les salariés recrutés récemment.
B. Une dérogation à l’égalité proportionnée aux buts poursuivis
La décision souligne que l’absence de plan de reclassement entraîne normalement la nullité du licenciement et une obligation de réintégration du salarié protégé. Cependant, le législateur a délibérément choisi de restreindre ce droit puissant aux seuls travailleurs ayant acquis une stabilité suffisante dans leur emploi. Le Conseil constitutionnel valide cette exclusion car elle ne constitue pas une rupture d’égalité injustifiée au regard des finalités de la législation sociale. Il considère que la situation d’un salarié débutant diffère substantiellement de celle d’un collaborateur présent depuis plusieurs années lors d’une restructuration économique. Cette distinction permet de moduler les sanctions civiles sans pour autant vider de sa substance la protection globale contre les licenciements irréguliers.
II. La conciliation équilibrée entre droit à l’emploi et liberté d’entreprendre
A. La protection encadrée du droit d’obtenir un emploi
La juridiction rappelle que le droit d’obtenir un emploi constitue un principe de valeur constitutionnelle dont la mise en œuvre appartient au législateur. Ce dernier doit toutefois veiller à ne pas porter une atteinte disproportionnée à ce droit fondamental par des dispositions législatives trop restrictives. En fixant le seuil à deux ans, le Conseil estime que l’entrave au droit à l’emploi reste acceptable dans un cadre contractuel privé. Il juge ainsi que le législateur a « opéré une conciliation entre le droit d’obtenir un emploi et la liberté d’entreprendre ». Le rejet de la réintégration automatique pour les nouveaux arrivants ne semble pas constituer un obstacle insurmontable à la reprise d’une activité professionnelle.
B. La consécration de la liberté d’entreprendre et la portée de la décision
La liberté d’entreprendre, découlant de la Déclaration de 1789, justifie ici un certain allègement des contraintes pesant sur la gestion des ressources humaines. Les juges constitutionnels considèrent que la mesure n’est pas « manifestement déséquilibrée » et respecte l’autonomie nécessaire au bon fonctionnement des structures économiques privées. Cette solution confirme une jurisprudence constante qui refuse d’imposer des sanctions excessives pouvant entraver la capacité d’adaptation des entreprises françaises. Elle limite donc les recours fondés sur la nullité du licenciement pour une catégorie significative de travailleurs, stabilisant ainsi le contentieux social. La portée de cet arrêt s’étend à l’ensemble du droit du travail en validant la constitutionnalité des seuils d’ancienneté protecteurs.