Le Conseil constitutionnel a rendu, le 4 mai 2012, une décision de conformité relative aux modalités de recouvrement des pénalités fiscales après le décès du contribuable. La disposition contestée prévoit que les amendes et majorations dues par le défunt constituent une charge de la succession, pesant ainsi sur les héritiers acceptants. Une requérante a soutenu que ce mécanisme méconnaît le principe de personnalité des peines, car il impose aux successeurs de supporter les conséquences financières d’une faute personnelle. La question portait sur la constitutionnalité de la transmission de sanctions fiscales punitives dans le patrimoine des héritiers au regard des droits garantis par la Déclaration de 1789. Les sages ont déclaré la disposition conforme, en distinguant la nature des sanctions pour valider leur intégration au passif successoral lorsque la dette préexistait au décès.
I. La qualification juridique des pénalités fiscales transmises à la succession
A. L’exclusion des intérêts de retard du champ des garanties répressives
Le Conseil constitutionnel écarte d’emblée les intérêts de retard du contrôle de constitutionnalité fondé sur les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme. Il considère que ces sommes ont pour « seul objet de réparer le préjudice subi par l’État du fait du paiement tardif de l’impôt » par le contribuable. Cette nature purement indemnitaire les prive de tout caractère punitif, ce qui rend le grief tiré de la méconnaissance de la personnalité des peines inopérant. Le juge constitutionnel confirme ici sa jurisprudence constante en distinguant la réparation civile de la sanction répressive, même lorsque la somme est collectée par l’administration fiscale. Les héritiers sont donc tenus de payer ces intérêts comme n’importe quelle autre dette contractée par le défunt de son vivant auprès d’un créancier.
B. L’assimilation des majorations fiscales à des sanctions punitives
En revanche, le Conseil reconnaît que les amendes et majorations fiscales « tendent à réprimer le comportement des personnes qui ont méconnu leurs obligations fiscales » habituelles. Ces prélèvements revêtent le caractère d’une punition, ce qui impose le respect du principe constitutionnel selon lequel « nul n’est punissable que de son propre fait ». Cette qualification est essentielle car elle oblige le juge à vérifier si la transmission de telles amendes aux héritiers ne constitue pas une sanction pour autrui. En soumettant ces majorations aux exigences de l’article 8 de la Déclaration de 1789, le juge protège les héritiers contre la création de pénalités nouvelles après le décès. L’application de ce régime protecteur garantit que seules les dettes déjà formées et opposables au défunt peuvent entrer dans le calcul du passif de la succession.
II. La validation de la transmission patrimoniale de la dette fiscale punitive
A. Le constat de l’antériorité de la dette au décès du contribuable
La conformité de la disposition repose sur le fait que les pénalités sont déjà « dues par le défunt ou la société dissoute » au jour de l’ouverture successorale. Le Conseil souligne que la loi ne permet pas que des amendes soient « prononcées directement à l’encontre des héritiers » pour sanctionner le comportement du contrevenant initial. La sanction est entrée dans le patrimoine du contribuable avant son décès, devenant une simple dette monétaire transmissible aux successeurs avec l’ensemble des autres charges. Puisque la pénalité est devenue exigible du vivant du fautif, son paiement par les héritiers ne constitue pas une punition personnelle mais une obligation purement patrimoniale. Cette analyse permet de concilier le principe de personnalité des peines avec les règles classiques du droit des successions qui prévoient la transmission des dettes.
B. La préservation des garanties procédurales au profit des ayants droit
Pour valider ce mécanisme, le Conseil constitutionnel s’assure que les héritiers disposent de moyens juridiques suffisants pour contester le bien-fondé de la créance fiscale ainsi transmise. Il précise que les successeurs peuvent « engager une contestation ou une transaction » ou poursuivre les procédures déjà initiées par le contribuable décédé avant sa disparition. Cette faculté de contestation garantit le respect des droits de la défense et assure que les héritiers ne subissent pas une dette fiscale manifestement illégale ou injustifiée. Le juge ajoute que cette poursuite de la procédure « ne peut avoir pour conséquence de conduire à un alourdissement de la sanction initialement prononcée » par l’administration. La solution protège ainsi l’équilibre entre l’efficacité du recouvrement des créances publiques et la protection constitutionnelle due aux membres de la famille du défunt.