Conseil constitutionnel, Décision n° 2012-269 QPC du 27 juillet 2012

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 27 juillet 2012, se prononce sur la conformité de dispositions législatives encadrant les dérogations relatives aux espèces protégées. Plusieurs associations soutiennent que l’absence de participation du public lors de la délivrance de ces autorisations méconnaît les exigences constitutionnelles. Le litige naît d’une instance devant le Conseil d’État, lequel a renvoyé au Conseil une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Les requérants arguent que le législateur a failli à sa mission en déléguant au pouvoir réglementaire des modalités devant relever de la loi. La question posée réside dans la détermination de l’étendue des obligations législatives pour garantir le droit de participation défini par la Charte de l’environnement. Les juges déclarent la disposition inconstitutionnelle tout en aménageant les effets de cette abrogation dans le temps. L’analyse de cette décision suppose d’examiner la consécration du droit de participation avant d’envisager la sanction de l’incompétence négative du législateur.

I. La consécration du droit de participation aux décisions environnementales

A. La nature environnementale des dérogations aux interdictions de destruction

Le Conseil constitutionnel rappelle que l’article L. 411-1 du code de l’environnement interdit toute atteinte aux espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées. Ces restrictions s’appliquent dès lors qu’un intérêt scientifique particulier ou les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient leur conservation. La juridiction précise que les dérogations à ces interdictions « constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » au sens de la Charte. Cette qualification juridique est essentielle car elle déclenche l’application immédiate des droits et libertés garantis par le bloc de constitutionnalité. Les magistrats incluent ainsi des actes administratifs individuels ou catégoriels dans le champ de la protection constitutionnelle de l’environnement.

Cette exigence de participation du public trouve sa justification dans la nature même des décisions administratives portant sur la protection du patrimoine biologique. Elle impose au législateur de définir un cadre garantissant que les citoyens puissent influencer l’élaboration de telles mesures d’exception.

B. L’exigence d’un encadrement législatif des modalités de participation

L’article 7 de la Charte de l’environnement dispose que toute personne a le droit de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Le Conseil souligne qu’il incombe au législateur de déterminer les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions constitutionnelles. La loi doit donc fixer les conditions et les limites dans lesquelles ce droit fondamental s’exerce concrètement devant les autorités administratives. En l’espèce, les juges constatent que le texte contesté renvoie exclusivement à un décret en Conseil d’État le soin de fixer ces conditions. Le législateur ne peut se décharger de sa compétence constitutionnelle sur le pouvoir réglementaire sans méconnaître les principes fondamentaux de la Charte.

Le constat de cette carence législative conduit naturellement le juge constitutionnel à sanctionner le défaut d’exercice par le Parlement de sa compétence propre. Cette incompétence négative affecte directement l’exercice d’un droit protégé par la Constitution française.

II. La sanction de l’incompétence négative et l’aménagement temporel

A. La violation de la compétence législative affectant un droit constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence en adoptant les dispositions contestées sans prévoir la participation du public. Cette omission constitue une incompétence négative car elle prive de garanties légales un droit proclamé par l’article 7 de la Charte de l’environnement. La juridiction réaffirme que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette solution n’est possible que si cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit expressément. Les juges concluent logiquement que le 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement est contraire à la Constitution.

La déclaration d’inconstitutionnalité entraîne en principe l’abrogation immédiate de la norme, mais le juge peut décider de différer cette conséquence juridique. Cette faculté permet d’éviter les perturbations excessives que provoquerait une disparition brutale de la règle de droit.

B. Le report de l’abrogation au nom de la continuité de l’action publique

L’abrogation immédiate des dispositions litigieuses aurait pour conséquence d’empêcher toute dérogation aux interdictions de destruction des espèces protégées dans l’immédiat. Le Conseil constitutionnel estime qu’un tel vide juridique nuirait gravement à la gestion des intérêts publics majeurs visés par le code de l’environnement. Il décide donc de « reporter au 1er septembre 2013 la date d’abrogation de ces dispositions » afin de laisser au Parlement le temps nécessaire. Ce délai permet d’adopter de nouvelles mesures législatives conformes aux exigences de participation du public fixées par la Charte. Les dérogations délivrées antérieurement ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité pour préserver la sécurité juridique.

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Hassan KOHEN
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