Le Conseil constitutionnel, par une décision du 21 septembre 2012, a examiné la constitutionnalité des dispositions relatives aux sévices graves envers les animaux. L’article 521-1 du code pénal incrimine ces actes mais prévoit une exonération spécifique pour les courses de taureaux traditionnelles. Des groupements associatifs contestaient cette dérogation au motif qu’elle rompait l’égalité des citoyens devant la loi pénale. La juridiction administrative a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité pour vérifier le respect des principes de la Déclaration de 1789. La haute instance juge que la différence de traitement repose sur des situations de fait distinctes et conformes à l’intérêt général. L’analyse de cette décision porte sur la validation d’une distinction géographique traditionnelle et sur la garantie de la légalité criminelle.
I. La légitimation constitutionnelle d’une exception pénale géographique
A. La justification par l’existence de situations locales distinctes
Le principe d’égalité implique que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le législateur peut régler de façon différente des situations distinctes pour des motifs d’intérêt général ou de cohérence législative. En l’espèce, les sages précisent que « le législateur a entendu que les dispositions du premier alinéa de l’article 521-1 ne puissent pas conduire à remettre en cause certaines pratiques traditionnelles ». Cette exonération restreinte ne porte atteinte à aucun droit constitutionnellement garanti car elle se limite aux actes relevant strictement d’une coutume locale.
B. La proportionnalité de la différence de traitement à l’objet de la loi
La différence de traitement instaurée par le texte doit rester en rapport direct avec l’objet de la loi pour demeurer valide constitutionnellement. Le Conseil souligne que « l’exclusion de responsabilité pénale instituée par les dispositions contestées n’est applicable que dans les parties du territoire national où l’existence d’une telle tradition est établie ». Le critère géographique n’est pas arbitraire puisqu’il repose sur une réalité historique et culturelle que le législateur a souhaité préserver. L’appréciation de la constitutionnalité de la mesure dépend donc de son lien étroit avec l’objectif de maintenir un pluralisme culturel encadré.
II. La préservation de la légalité criminelle et de l’office du juge
A. La précision suffisante de la notion de tradition ininterrompue
L’article 34 de la Constitution impose au législateur de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs pour exclure tout arbitraire judiciaire. Les requérants contestaient la clarté de la notion de tradition locale ininterrompue, y voyant une source potentielle d’insécurité pour les justiciables. Le Conseil rejette cet argument en affirmant que « cette notion, qui ne revêt pas un caractère équivoque, est suffisamment précise pour garantir contre le risque d’arbitraire ». La formulation législative permet ainsi une application prévisible de la norme pénale sur l’ensemble du territoire concerné par ces pratiques anciennes.
B. L’encadrement de la responsabilité pénale par le juge ordinaire
La décision confirme la marge de manœuvre dont dispose le Parlement pour moduler l’application de la loi pénale sans méconnaître les principes constitutionnels. Le juge constitutionnel refuse de substituer son propre jugement à celui du législateur concernant l’opportunité de maintenir ces exceptions culturelles spécifiques. En déclarant le texte conforme, le Conseil stabilise le cadre juridique des activités taurines tout en déléguant l’examen des faits aux juridictions compétentes. Cette solution assure une conciliation durable entre la protection animale généralisée et le respect des particularismes régionaux historiquement ancrés dans le patrimoine.