Conseil constitutionnel, Décision n° 2012-278 QPC du 5 octobre 2012

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2012-277 QPC du 5 octobre 2012, s’est prononcé sur la conformité à la Constitution des conditions d’accès à la magistrature. Une candidate à l’entrée de l’école de formation des magistrats contestait la disposition législative imposant aux postulants de justifier d’une « bonne moralité ». Elle soutenait que le législateur organique aurait méconnu l’étendue de sa compétence en renvoyant à une notion trop imprécise pour le recrutement judiciaire. Ce recours s’inscrit dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par une juridiction suprême afin de vérifier la validité du texte. La requérante invoquait principalement une atteinte au principe d’égal accès aux emplois publics garanti par l’article 6 de la Déclaration de 1789.

Le litige invite à déterminer si l’exigence de moralité, faute de précisions législatives sur sa nature, porte atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis. Le Conseil constitutionnel écarte le grief et déclare les mots contestés conformes à la Constitution, estimant que l’administration apprécie ces faits sous contrôle juridictionnel. Cette solution repose sur la nécessité d’assurer les garanties indispensables à l’exercice des fonctions juridictionnelles tout en préservant l’indépendance de l’autorité judiciaire. L’examen de cette décision conduit à analyser la validation d’un critère de recrutement souple avant d’étudier l’articulation entre compétence législative et contrôle administratif.

I. La validation d’un critère de recrutement souple fondé sur la moralité

A. L’exigence de garanties morales inhérentes à la fonction juridictionnelle

Le Conseil constitutionnel rappelle que les règles de recrutement doivent « assurer le respect du principe d’égal accès aux emplois publics » selon les capacités. Les dispositions contestées visent à permettre à l’autorité administrative de s’assurer que les candidats présentent les « garanties nécessaires pour exercer les fonctions des magistrats ». Cette exigence de moralité s’inscrit dans l’objectif de veiller au respect des devoirs particuliers qui s’attachent indéniablement à l’état de magistrat du siège. La haute juridiction considère que la capacité des intéressés s’apprécie non seulement au regard des diplômes, mais aussi par leur aptitude à incarner l’autorité judiciaire. Cette interprétation fonctionnelle de la règle de droit permet de concilier la liberté d’accès aux emplois publics avec les impératifs de probité nécessaires.

B. La conciliation entre les vertus républicaines et l’admissibilité aux emplois publics

L’article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que les citoyens sont admissibles aux emplois selon leurs capacités et sans autre distinction que leurs vertus. Le juge constitutionnel estime que l’usage de la notion de bonne moralité n’introduit pas de discrimination arbitraire entre les candidats à la magistrature. Les exigences constitutionnelles n’imposent pas au législateur de préciser la nature exacte des faits de nature à mettre sérieusement en doute les garanties offertes. Le critère retenu participe directement à la protection de l’indépendance de l’autorité judiciaire et à la confiance que les justiciables placent dans leurs juges. Cette souplesse textuelle est compensée par l’encadrement strict du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité administrative lors de l’examen individuel des dossiers présentés.

II. L’articulation entre la compétence législative et le contrôle juridictionnel

A. Le rejet du grief fondé sur l’incompétence négative du législateur

La requérante affirmait que le législateur aurait dû organiser de manière complète les conditions de recrutement et fixer les modalités précises d’appréciation de la moralité. Le Conseil répond que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée que si elle affecte un droit garanti. Il juge ici que les exigences constitutionnelles n’obligent pas le législateur organique à définir exhaustivement les faits constituant un manque de moralité pour les candidats. En s’abstenant de détailler ces éléments, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence constitutionnelle au regard de l’article 64 de la Constitution. La décision confirme ainsi que la définition de standards juridiques ouverts est admissible dès lors que leur application reste soumise à une surveillance effective.

B. L’effectivité du contrôle de l’autorité administrative par le juge de l’excès de pouvoir

Le Conseil précise qu’il appartient à l’autorité administrative d’apprécier les faits litigieux « sous le contrôle du juge administratif » compétent en la matière. Ce renvoi au contrôle juridictionnel garantit que l’appréciation de la moralité ne dégénère pas en un pouvoir arbitraire ou purement discrétionnaire de l’administration. Le juge administratif vérifie que les éléments retenus sont de nature à mettre « sérieusement en doute l’existence de ces garanties » morales indispensables au recrutement. Cette protection juridictionnelle assure la sauvegarde des libertés individuelles tout en maintenant une exigence de dignité élevée pour l’accès aux fonctions de l’ordre judiciaire. La décision du 5 octobre 2012 consacre ainsi un équilibre entre la nécessaire souplesse administrative et la rigueur du contrôle de légalité exercé.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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