Conseil constitutionnel, Décision n° 2012-652 DC du 22 mars 2012

Le Conseil constitutionnel a rendu le 22 mars 2012 la décision n° 2012-652 DC portant sur la loi relative à la protection de l’identité. Cette décision intervient dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori de dispositions prévoyant la création d’un fichier biométrique centralisé. Le texte contesté envisageait également l’ajout de fonctions électroniques à la carte nationale d’identité pour faciliter l’identification sur les réseaux numériques.

Des parlementaires ont saisi la juridiction constitutionnelle afin de critiquer les articles 5, 10 et 3 du projet de loi adopté par le Parlement. Les requérants soutenaient que le traitement massif de données personnelles portait une atteinte manifeste au droit au respect de la vie privée. Ils dénonçaient l’absence de garanties suffisantes concernant le recours à ces données par les autorités de police administrative et judiciaire.

La question de droit réside dans la proportionnalité entre l’objectif de lutte contre la fraude identitaire et l’atteinte aux libertés individuelles par un fichier biométrique. Il convient également de déterminer si le législateur a épuisé sa compétence en définissant les fonctionnalités électroniques du nouveau titre d’identité.

Les sages déclarent les dispositions litigieuses contraires à la Constitution en raison d’une atteinte disproportionnée à la vie privée et d’une incompétence négative caractérisée. Cette solution souligne la protection accrue accordée aux données sensibles des citoyens face aux innovations technologiques sécuritaires.

**I. La protection renforcée de la vie privée face aux traitements biométriques massifs**

**A. La reconnaissance d’un motif d’intérêt général de sécurisation des titres**

Le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur doit concilier la sauvegarde de l’ordre public avec le respect des libertés constitutionnellement garanties. La création d’un traitement de données destiné à préserver l’intégrité des titres de voyage répond à cet impératif de protection des droits. La juridiction admet que ce dispositif « permet de sécuriser la délivrance de ces titres et d’améliorer l’efficacité de la lutte contre la fraude ».

Cette finalité constitue un motif d’intérêt général suffisant pour justifier une collecte de données à caractère personnel sous certaines conditions strictes. La lutte contre l’usurpation d’identité représente un enjeu majeur de sécurité publique dans un contexte de circulation accrue des personnes. Les juges valident le principe même du recours à la biométrie pour garantir l’authenticité des documents officiels délivrés par l’État.

**B. Le caractère disproportionné de l’interconnexion et des usages du fichier**

La décision censure néanmoins le dispositif en raison de l’ampleur du traitement qui porte sur la quasi-totalité de la population française. Les empreintes digitales sont jugées « particulièrement sensibles » car elles permettent une identification à l’insu des personnes par simple rapprochement de traces physiques. L’atteinte au droit au respect de la vie privée est jugée excessive au regard du but de simple vérification d’identité.

La possibilité d’interroger ce fichier pour des besoins de police judiciaire ou administrative aggrave considérablement le risque d’atteinte aux libertés individuelles. Le Conseil estime que « les dispositions de l’article 5 portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée ». La centralisation des données biométriques transforme un outil de gestion administrative en un instrument de surveillance générale.

**II. La sanction de l’incomplétude législative en matière d’identité numérique**

**A. L’encadrement nécessaire des fonctionnalités électroniques de la carte d’identité**

L’article 3 de la loi prévoyait l’intégration de puces électroniques permettant l’identification en ligne et la signature électronique des titulaires volontaires. Les juges soulignent que ces conditions générales d’utilisation affectent directement les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Le développement des services de communication au public rend ces enjeux essentiels pour la vie économique et sociale contemporaine.

Le domaine de la loi est pleinement engagé dès lors qu’il s’agit de définir le régime juridique de l’identité numérique régalienne. L’État doit assurer la sécurité des transactions électroniques tout en protégeant les données des usagers contre d’éventuels détournements ou failles techniques. Cette mission régalienne impose une précision rigoureuse dans la rédaction des normes encadrant ces nouveaux outils de communication.

**B. L’incompétence négative du législateur sur les garanties de confidentialité**

La censure de l’article 3 repose sur le constat que le législateur n’a pas précisé la nature des données mises en œuvre. Les garanties assurant l’intégrité et la confidentialité des informations transmises par voie électronique sont jugées insuffisantes dans le texte initial. La loi omet de définir les conditions de l’authentification des mineurs ou des personnes majeures faisant l’objet d’une protection juridique.

En agissant ainsi, « le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence » telle qu’elle est fixée par l’article 34 de la Constitution. L’incompétence négative est sanctionnée car le cadre législatif laissait trop de place au pouvoir réglementaire pour fixer des règles essentielles. Cette exigence de précision protège les citoyens contre une mise en œuvre arbitraire ou techniquement défaillante d’un service d’identité numérique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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