Conseil constitutionnel, Décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012

Le Conseil constitutionnel a rendu le 9 août 2012 la décision n° 2012-654 DC relative à la seconde loi de finances rectificative. Cette juridiction s’est prononcée sur la conformité de diverses dispositions fiscales et sociales après avoir été saisie par de nombreux députés et sénateurs. Le texte critiqué prévoyait notamment une contribution exceptionnelle sur la fortune et une modification du traitement des membres éminents du pouvoir exécutif. Les requérants contestaient la régularité de la procédure législative et invoquaient une atteinte caractérisée aux droits garantis par la Déclaration de 1789. La question centrale consistait à déterminer si le législateur pouvait aggraver la charge fiscale sans plafonnement et interférer dans la rémunération du Président. Les juges ont validé l’essentiel des mesures budgétaires tout en censurant la réduction du traitement des autorités exécutives nationales. Le raisonnement suivi permet d’analyser d’abord la validation des mesures fiscales exceptionnelles avant d’étudier la protection rigoureuse de la séparation des pouvoirs.

I. La validation des mesures fiscales exceptionnelles sous un contrôle restreint

A. L’admission tempérée de la contribution exceptionnelle sur la fortune

Le législateur a instauré une contribution additionnelle pour les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune sans prévoir de dispositif de plafonnement immédiat. Les requérants soutenaient que cette absence de limite entraînait une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques définie par l’article 13 de la Déclaration de 1789. Le Conseil estime pourtant que « la contribution exceptionnelle sur la fortune ne fait pas peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive ». Cette solution repose sur le caractère non renouvelable de l’imposition et sur le fait qu’elle s’impute sur les sommes déjà acquittées. Les juges considèrent que les modalités retenues « ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé » par le Parlement pour augmenter les recettes publiques. La décision précise que le droit à restitution acquis au titre des revenus antérieurs continue de produire ses effets sur la cotisation due en 2012.

B. Le rejet des griefs relatifs aux cavaliers budgétaires

Plusieurs articles étaient contestés au motif qu’ils n’auraient pas leur place dans une loi de finances selon la loi organique du 1er août 2001. Les juges rejettent ces griefs en vérifiant si les dispositions affectent directement les dépenses ou les recettes budgétaires de l’année considérée. Ils affirment que les mesures relatives aux contributions sociales « sont relatives à l’assiette ou au taux d’impositions de toutes natures » et appartiennent au domaine financier. Cette qualification permet d’écarter les critiques portant sur les articles relatifs à la sécurité sociale ou à l’aide médicale gérée par l’État. La juridiction de l’Union européenne reste cependant compétente pour apprécier la compatibilité des textes avec les engagements internationaux, ce qui limite le champ du contrôle. Les mesures fiscales ainsi sécurisées côtoient toutefois des dispositions institutionnelles dont le sort juridique s’avère bien plus précaire lors de l’examen au fond.

II. La protection rigoureuse de la séparation des pouvoirs quant au statut de l’exécutif

A. L’incompétence du législateur pour modifier la rémunération présidentielle

L’article 40 de la loi déférée entendait abaisser de manière significative le taux du traitement brut mensuel du Président de la République et du Premier ministre. Le Conseil constitutionnel fonde sa censure sur l’article 16 de la Déclaration de 1789 qui exige que la séparation des pouvoirs soit déterminée. La décision énonce très clairement qu’« en modifiant le traitement du Président de la République et du Premier ministre, l’article 40 de la loi déférée méconnaît le principe de la séparation des pouvoirs ». Les juges rappellent que le chef de l’État est le garant de l’indépendance nationale conformément aux dispositions de l’article 5 de la Constitution. Cette protection constitutionnelle interdit au Parlement d’intervenir unilatéralement sur les conditions matérielles d’exercice des fonctions exécutives au sein d’une simple loi budgétaire.

B. La portée de la censure : une sanctuarisation de l’indépendance de la fonction exécutive

La déclaration d’inconstitutionnalité frappe l’article de la loi nouvelle et s’étend par ricochet aux dispositions législatives antérieures qui étaient alors modifiées. Le Conseil constitutionnel juge que le principe de séparation des pouvoirs s’applique strictement à l’égard de l’institution présidentielle pour prévenir toute pression législative. Cette solution garantit l’autonomie financière de l’exécutif et préserve la dignité de la fonction contre les aléas des majorités parlementaires lors des votes. Le juge constitutionnel s’affirme ici comme le gardien vigilant de l’équilibre institutionnel en refusant une immixtion qui pourrait fragiliser l’indépendance des organes. Cette rigueur contraste avec la souplesse manifestée envers les autres cavaliers budgétaires dont la censure n’entraîne pas de conséquences politiques aussi fondamentales. L’arrêt marque ainsi une frontière hermétique entre la gestion des deniers publics et l’organisation statutaire des pouvoirs publics constitutionnels.

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Hassan KOHEN
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