Le Conseil constitutionnel a rendu, le 29 novembre 2012, une décision relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir. Plusieurs parlementaires avaient saisi l’institution pour contester la validité d’une loi mémorielle consacrée aux victimes de la guerre d’Algérie. Les requérants invoquaient principalement des griefs procéduraux ainsi qu’une absence de portée normative réelle du texte législatif soumis à l’examen. La procédure législative s’était étalée sur une décennie entre l’adoption par l’Assemblée nationale en 2002 et celle du Sénat en 2012. Le problème juridique portait sur la conformité d’une disposition purement symbolique aux exigences de clarté et de normativité de la loi. Les sages ont considéré que « la loi qui est déférée au Conseil constitutionnel a été examinée successivement dans les deux assemblées ». Ils ont ainsi déclaré l’intégralité du texte conforme à la Constitution sans émettre de réserve d’interprétation particulière.
I. La validation d’une procédure législative prolongée
A. La constatation d’un accord parfait entre les assemblées
L’article 45 de la Constitution impose l’adoption d’un texte dans les mêmes termes par les deux chambres du Parlement avant sa promulgation. Le Conseil relève que la proposition de loi « a été adoptée sans modification le 22 janvier 2002 » par la première chambre saisie. Le Sénat a ensuite « adopté cette proposition de loi sans modification le 8 novembre 2012 », respectant ainsi strictement le parallélisme requis. Cette identité textuelle entre les deux assemblées suffit à établir la régularité du processus démocratique malgré le délai exceptionnel séparant les votes. L’institution écarte donc tout vice de procédure lié au déroulement des navettes parlementaires ou à l’organisation des débats au sein des commissions.
B. L’éviction des griefs relatifs au fonctionnement parlementaire
Les requérants soutenaient que les conditions d’examen méconnaissaient plusieurs articles constitutionnels relatifs au droit de vote des parlementaires et à l’initiative législative. Le Conseil juge souverainement que la procédure suivie « n’est en outre contraire à aucune autre disposition de la Constitution » sans détailler chaque article invoqué. Cette réponse globale témoigne d’une volonté de ne pas s’immiscer dans l’agencement interne des travaux préparatoires quand l’accord final est manifeste. Les juges constitutionnels privilégient ainsi la stabilité des textes adoptés dès lors que les principes fondamentaux du bicamérisme ont été formellement respectés. La célérité des débats ou l’ancienneté du dépôt de la proposition ne constituent pas des motifs d’inconstitutionnalité dans cette espèce précise.
II. La reconnaissance de la constitutionnalité d’une loi mémorielle
A. La présomption de normativité des dispositions symboliques
La loi déférée se borne à instituer une journée nationale du souvenir fixée au 19 mars sans créer de droits ou d’obligations concrètes. Les députés requérants dénonçaient pourtant une violation de l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi en raison de ce caractère purement déclaratif. Le Conseil répond que ces dispositions « ne sont pas entachées d’inintelligibilité » et qu’elles ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle supérieure actuellement en vigueur. Il reconnaît implicitement au législateur le pouvoir de fixer des commémorations nationales même si elles ne modifient pas directement l’ordonnancement juridique. Cette position protège la fonction expressive de la loi qui sert parfois à unifier la mémoire collective autour d’événements historiques marquants.
B. La portée limitée du contrôle sur le domaine de la loi
En validant ce texte, le Conseil constitutionnel confirme que le domaine de la loi peut inclure des énoncés dépourvus de sanctions immédiates. L’article 1er crée une « journée nationale du souvenir et de recueillement » tandis que l’article 2 précise qu’elle n’est « ni fériée ni chômée ». Le juge ne censure pas l’absence de portée normative car la Constitution n’interdit pas explicitement les lois dont l’objet reste strictement commémoratif. Cette jurisprudence illustre une certaine retenue judiciaire face aux choix politiques touchant à l’histoire nationale et à la reconnaissance des souffrances passées. La décision assure ainsi une sécurité juridique à d’autres dispositifs similaires tout en rappelant que la clarté demeure le seul rempart constitutionnel.