Le Conseil constitutionnel s’est prononcé, le 13 juin 2014, sur la conformité de dispositions législatives encadrant le recours au contrat à durée déterminée. Le litige trouve son origine dans la contestation par un salarié des règles régissant les contrats saisonniers et les contrats dits d’usage constant. Ces dispositions excluent notamment le versement de l’indemnité de fin de contrat pour ces catégories particulières d’emplois temporaires au sein du code du travail.
Le requérant a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité devant la juridiction compétente qui a ensuite transmis l’interrogation au juge du Palais Royal. Il soutenait que la notion d’usage était inintelligible et créait une différence de traitement injustifiée entre les salariés selon leurs secteurs d’activité. La partie en défense et le Premier ministre ont produit des observations tendant à démontrer la parfaite constitutionnalité des textes législatifs critiqués par le salarié.
Le problème de droit soumis au Conseil constitutionnel consistait à savoir si les critères de recours au contrat à durée déterminée d’usage méconnaissaient le principe d’égalité. Les juges devaient également déterminer si l’absence d’indemnité de précarité pour ces contrats saisonniers ou d’usage constituait une rupture d’égalité devant la loi. Le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution car elles reposent sur des critères objectifs et rationnels liés à l’activité.
I. La reconnaissance de la spécificité des contrats à durée déterminée dérogatoires
A. La clarté des critères de recours aux emplois de nature temporaire
Le législateur rappelle d’abord que le contrat à durée indéterminée constitue « la forme normale et générale de la relation de travail » dans notre droit. Des exceptions sont néanmoins admises pour des tâches précises lorsque l’usage constant exclut le recours au contrat de travail à durée indéterminée habituel. Le Conseil estime que ces dispositions ne sont pas inintelligibles dès lors que le recours au contrat temporaire dépend de la nature même de l’activité.
L’inscription d’un secteur d’activité dans la liste dérogatoire demeure soumise au contrôle effectif de la juridiction administrative pour éviter tout pouvoir arbitraire de l’autorité. Le juge constitutionnel précise que l’employeur doit établir que l’emploi en cause présente effectivement un « caractère par nature temporaire » pour justifier ce contrat. Cette exigence de preuve renforce la protection du salarié contre un usage abusif de formes contractuelles précaires par des entreprises peu scrupuleuses de la loi.
B. La légitimité constitutionnelle de la distinction entre les catégories de salariés
Le principe d’égalité n’interdit pas au législateur de traiter différemment des situations distinctes pour des motifs d’intérêt général évidents dans certains secteurs économiques. En permettant le recours au contrat saisonnier, le législateur fonde une différence de traitement sur une « différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi ». La nature fluctuante de certains travaux justifie ainsi l’existence d’un régime contractuel spécifique adapté aux besoins réels et cycliques de la production nationale.
Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 est donc fermement écarté. Le Conseil constitutionnel considère que les critères retenus par le code du travail sont à la fois objectifs et rationnels au regard de l’objectif poursuivi. Cette validation des critères de recours permet alors au juge constitutionnel d’examiner les conséquences indemnitaires attachées à la fin de ces contrats de travail.
II. L’admission de l’exclusion de l’indemnité de fin de contrat
A. L’appréciation d’une différence de situation liée à la précarité de l’emploi
L’indemnité de fin de contrat vise normalement à « compenser la précarité de sa situation » lorsque la relation contractuelle ne se poursuit pas durablement. Cependant, le législateur a choisi d’écarter ce versement pour les contrats conclus en raison du caractère par nature temporaire de certains emplois ou secteurs. Cette exclusion s’applique également aux contrats destinés à favoriser le recrutement de personnes sans emploi ou à assurer un complément de formation professionnelle indispensable.
Le Conseil constitutionnel juge que cette absence d’indemnisation ne constitue pas une atteinte disproportionnée aux droits des salariés exerçant dans ces domaines d’activité spécifiques. La particularité des emplois en cause justifie que l’employeur ne soit pas tenu de verser la prime de précarité habituellement due à l’issue du contrat. La différence de traitement repose ici sur la nature même de l’engagement dont le caractère temporaire est connu et accepté dès la signature initiale.
B. La validation du régime dérogatoire au regard du principe d’égalité
Le juge constitutionnel réaffirme que le législateur peut instaurer des différences de traitement si elles sont en rapport direct avec la particularité des emplois concernés. Les dispositions contestées n’instituent pas de discrimination prohibée entre les salariés car les situations de fait demeurent fondamentalement hétérogènes selon les activités exercées. L’objectif de la loi est de s’adapter aux contraintes réelles de certains métiers tout en maintenant un cadre juridique protecteur et prévisible pour tous.
Le 3° de l’article L. 1242-2 et le 1° de l’article L. 1243-10 du code du travail sont ainsi déclarés pleinement conformes à la Constitution. Cette décision sécurise les pratiques contractuelles dans les secteurs où l’usage de contrats courts est indispensable au bon fonctionnement des entreprises et des services. Elle confirme la marge de manœuvre du législateur pour moduler les droits sociaux en fonction des impératifs économiques et de la réalité du terrain.