Conseil constitutionnel, Décision n° 2014-447 QPC du 6 février 2015

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 6 février 2015, s’est prononcé sur la conformité de l’article 64 de la loi du 25 janvier 1985. Cette disposition régit les effets d’un plan de redressement judiciaire à l’égard des cautions solidaires. Des requérants ont contesté l’exclusion de ces garants du bénéfice des remises et des délais accordés au débiteur principal par le plan. Ils soutenaient que cette mesure créait une inégalité de traitement injustifiée par rapport aux cautions simples au regard de la Déclaration de 1789. La juridiction constitutionnelle a été saisie par une question prioritaire de constitutionnalité transmise dans le cadre d’un litige relatif à l’exécution d’engagements financiers. La question posée au Conseil consistait à savoir si la différence de régime entre caution simple et caution solidaire méconnaissait le principe d’égalité. Les sages ont déclaré la disposition conforme en considérant que le législateur pouvait légitimement maintenir la portée spécifique de l’engagement solidaire. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la rigueur du mécanisme de la solidarité avant d’envisager la validation de sa distinction constitutionnelle.

**I. Le maintien de la rigueur de l’engagement solidaire en procédure collective**

**A. L’inopposabilité des dispositions du plan de redressement aux cautions solidaires**

L’article 64 de la loi du 25 janvier 1985 énonce que le jugement arrêtant le plan en rend les dispositions opposables à tous. Le second alinéa précise toutefois que « les cautions solidaires et coobligés ne peuvent s’en prévaloir » pour limiter leur propre obligation de paiement. Cette exclusion signifie que la caution solidaire demeure tenue au versement immédiat et intégral de la créance malgré les délais octroyés au débiteur. Le Conseil constitutionnel relève ainsi que le législateur a entendu préserver l’efficacité des garanties souscrites par les créanciers lors de la conclusion du contrat.

La protection du créancier repose sur l’isolement du sort de la caution solidaire par rapport à celui du débiteur en difficulté. Cette étanchéité des régimes s’appuie sur une distinction structurelle que le juge constitutionnel refuse de remettre en cause.

**B. La spécificité irréductible de la caution solidaire face à la caution simple**

Le droit civil distingue traditionnellement la caution simple, bénéficiant des exceptions du débiteur, de la caution solidaire, dont l’engagement s’avère contractuellement plus contraignant. Les requérants arguaient qu’après l’ouverture d’une procédure collective, les situations de ces deux catégories de garants devenaient pourtant juridiquement identiques. Le Conseil écarte ce raisonnement en rappelant que le régime de la caution solidaire est structurellement « renforcé » par rapport à la caution simple. La décision souligne qu’il est loisible au législateur de conserver cette distinction fondamentale même lorsque le débiteur principal fait l’objet d’un redressement.

L’affirmation de la spécificité de la caution solidaire permet au Conseil de justifier la différence de traitement au regard des principes supérieurs. La validation de ce choix législatif s’inscrit dans une lecture rigoureuse des exigences du principe d’égalité.

**II. La validation constitutionnelle de la distinction entre les catégories de cautions**

**A. L’absence de méconnaissance du principe d’égalité devant la loi**

Le principe d’égalité, garanti par l’article 6 de la Déclaration de 1789, n’impose pas une uniformisation absolue des régimes juridiques applicables aux citoyens. La jurisprudence constitutionnelle autorise des traitements différenciés dès lors qu’ils reposent sur des situations distinctes ou des motifs d’intérêt général évidents. Les juges considèrent ici que la nature particulière de la solidarité contractuelle justifie amplement l’écart de protection constaté entre les différentes cautions. Cette différence de traitement est jugée en rapport direct avec l’objet de la loi, laquelle vise à sécuriser le crédit des entreprises.

Cette lecture protectrice des intérêts financiers assure la pérennité du système de crédit malgré les défaillances économiques rencontrées par certains opérateurs. Elle confirme ainsi la valeur attachée à la stabilité des engagements contractuels pris envers les tiers.

**B. La protection de la liberté contractuelle et de la sécurité du crédit**

En confirmant la validité de la disposition, le Conseil constitutionnel protège les prévisions légitimes des établissements de crédit lors des octrois de prêts. L’efficacité de la caution solidaire repose précisément sur l’impossibilité pour le garant d’invoquer les difficultés de paiement rencontrées par le débiteur principal. Les sages affirment que la Constitution ne contraint pas le législateur à « uniformiser les régimes juridiques de la caution simple et de la caution solidaire ». Cette solution garantit la pérennité du droit des sûretés tout en respectant les marges de manœuvre du pouvoir législatif en matière économique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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