Conseil constitutionnel, Décision n° 2014-448 QPC du 6 février 2015

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 6 février 2015, une décision relative à la conformité de l’article 222-22-1 du code pénal aux droits et libertés garantis par la Constitution. Cette disposition législative précise les modalités d’appréciation de la contrainte morale lors d’agressions sexuelles commises sur des mineurs. À l’occasion d’un litige répressif, une question prioritaire de constitutionnalité fut transmise par la Cour de cassation dans un arrêt du 12 novembre 2014. Les requérants soutenaient que l’autorité de droit ou de fait ne pouvait simultanément constituer un élément du délit et une circonstance aggravante. Ils invoquaient la méconnaissance du principe de légalité des délits ainsi que des principes de nécessité et de proportionnalité des peines. Le Conseil constitutionnel devait ainsi déterminer si la précision législative du concept de contrainte heurtait les exigences de l’article 8 de la Déclaration de 1789. La Haute juridiction déclare la disposition conforme en distinguant les éléments constitutifs de l’infraction des simples circonstances factuelles soumises à l’appréciation des juges. L’analyse portera d’abord sur la portée de la définition de la contrainte avant d’envisager la validité constitutionnelle du régime répressif ainsi maintenu.

**I. Une précision textuelle respectueuse du principe de légalité des délits**

Le Conseil constitutionnel affirme que le législateur doit définir les infractions en termes suffisamment clairs pour exclure tout arbitraire judiciaire dans l’application de la loi.

**A. La nature factuelle de la contrainte morale précisée par la loi**

Pour que l’infraction soit constituée, la juridiction de jugement doit constater que les faits ont été commis avec « violence, contrainte, menace, ou surprise ». Le texte contesté dispose que la contrainte morale peut résulter de « l’autorité de droit ou de fait » que l’auteur exerce sur sa victime mineure. Les juges de la rue de Montpensier considèrent que cette précision a pour « seul objet de désigner certaines circonstances de fait » utiles au magistrat. Cette rédaction ne transforme pas un élément factuel en une condition de forme impérative mais guide simplement l’analyse du juge pénal. La loi n’impose pas une qualification automatique dès lors qu’une autorité existe, préservant ainsi la liberté d’analyse du tribunal saisi des faits.

**B. L’absence de cumul prohibé entre élément constitutif et circonstance aggravante**

Le requérant prétendait que l’autorité servait de fondement à la fois au délit de base et à l’aggravation de la peine encourue par l’auteur. Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en jugeant qu’il ne résulte pas de ces dispositions qu’un élément constitutif soit « dans le même temps, une circonstance aggravante ». Puisque la contrainte n’est pas définie exclusivement par l’autorité, la distinction entre le cœur de l’infraction et ses accessoires de gravité demeure juridiquement opérante. Le principe de légalité des délits et des peines se trouve ainsi sauvegardé par cette interprétation stricte de l’objet de la norme incriminatrice. Cette approche permet de maintenir une hiérarchie cohérente des peines tout en offrant une protection renforcée aux mineurs victimes d’abus de pouvoir.

**II. La validation de la nécessité et de la proportionnalité de la réponse pénale**

Le contrôle exercé par le Conseil porte également sur l’exigence de nécessité des peines, laquelle relève en principe du pouvoir d’appréciation souverain du Parlement.

**A. Le contrôle restreint sur l’adéquation de la sanction à l’infraction**

Le Conseil rappelle qu’il ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation identique à celui du législateur lors de l’élaboration des normes pénales. Son rôle se limite à s’assurer de « l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue » par l’auteur des agissements répréhensibles. En validant l’article 222-22-1, les juges constitutionnels estiment que le recours à la notion d’autorité pour caractériser la contrainte ne crée pas de déséquilibre excessif. La sévérité accrue pour les personnes exerçant une autorité sur des mineurs répond à un objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’enfance. Le législateur peut légitimement aggraver la répression lorsque la vulnérabilité de la victime est exploitée par une personne investie d’une confiance légale ou matérielle.

**B. La cohérence du régime répressif applicable aux agressions sexuelles**

Les dispositions contestées n’instituent pas une sanction pénale qui méconnaîtrait les principes de nécessité et de proportionnalité garantis par la Déclaration des droits de l’homme. L’aggravation de la peine en cas d’autorité de fait ou de droit reste justifiée par la gravité particulière de la trahison du lien protecteur. Le Conseil constitutionnel confirme que l’articulation entre les éléments de preuve et les circonstances aggravantes ne porte pas atteinte aux libertés individuelles protégées. Cette décision assure une sécurité juridique indispensable aux victimes tout en encadrant strictement le pouvoir de sanction du juge du fond. La déclaration de conformité totale clôt le débat sur la constitutionnalité d’un dispositif essentiel à la lutte contre les violences sexuelles intrafamiliales et sociales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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