Conseil constitutionnel, Décision n° 2014-457 QPC du 20 mars 2015

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 20 mars 2015, une décision marquante concernant la composition de l’instance nationale d’un ordre professionnel réglementé. Cette question prioritaire de constitutionnalité interrogeait la validité de l’article L. 4231-4 du code de la santé publique au regard des droits fondamentaux. Une requérante critiquait la participation de représentants de l’administration au sein d’une formation investie de pouvoirs disciplinaires. Elle soutenait que cette organisation méconnaissait les garanties d’indépendance et d’impartialité exigées par l’article 16 de la Déclaration de 1789. Les observations des parties ont été enregistrées le 26 janvier 2015 avant une audience publique tenue le 10 mars 2015. Les juges constitutionnels devaient trancher si la simple présence consultative de fonctionnaires portait atteinte à la séparation des fonctions juridictionnelles. Le Conseil a prononcé l’inconstitutionnalité des dispositions litigieuses en raison d’une violation caractérisée du principe d’indépendance des juridictions. Cette solution impose d’étudier la protection absolue de l’indépendance organique du juge puis les modalités spécifiques de l’abrogation législative.

I. La préservation de l’indépendance des juridictions disciplinaires

A. La distinction entre les garanties d’impartialité et d’indépendance

Le Conseil constitutionnel rappelle d’emblée que « les principes d’indépendance et d’impartialité sont indissociables de l’exercice de fonctions juridictionnelles ». Il examine d’abord les dispositions protectrices interdisant aux représentants de l’État de siéger lors d’une saisine ministérielle. Ces mesures législatives sont jugées suffisantes pour écarter tout risque de partialité objective ou subjective du collège disciplinaire. Les garanties légales permettent de satisfaire à l’exigence de neutralité lorsque l’administration est elle-même à l’origine de la poursuite. Le juge estime toutefois que cette protection ne couvre pas l’intégralité des griefs constitutionnels soulevés par la requérante. La reconnaissance de l’impartialité ne dispense pas l’organe de respecter une indépendance statutaire et fonctionnelle vis-à-vis du pouvoir exécutif.

B. La sanction de l’immixtion du pouvoir exécutif dans la juridiction

L’article L. 4231-4 prévoyait la présence de fonctionnaires désignés par les ministères au sein du conseil national de l’ordre. Bien que ces membres ne disposent que d’une voix consultative, leur intégration à une formation de jugement est censurée. Le Conseil constitutionnel considère que ces dispositions « méconnaissent le principe d’indépendance » en raison de la nature même des fonctions exercées. La juridiction disciplinaire doit demeurer exempte de toute influence directe ou indirecte émanant de l’autorité hiérarchique ou administrative. La participation de représentants ministériels altère la structure organique du juge et compromet la séparation nécessaire des pouvoirs. Cette incompatibilité radicale fonde une déclaration d’inconstitutionnalité dont les conséquences temporelles nécessitent un aménagement précis de la part du juge.

II. L’encadrement des effets de la déclaration d’inconstitutionnalité

A. Le report de l’abrogation pour assurer la continuité ordinale

Le juge constitutionnel utilise les pouvoirs conférés par l’article 62 de la Constitution pour fixer la date d’abrogation de la loi. Une disparition immédiate des textes incriminés bouleverserait la composition de l’organe ordinal pour l’ensemble de ses compétences administratives. Une telle décision entraînerait alors des « conséquences manifestement excessives » en paralysant le fonctionnement régulier d’une institution de santé publique. Le Conseil décide donc de reporter au 1er janvier 2016 l’abrogation définitive des alinéas contraires à la norme suprême. Ce délai raisonnable permet au législateur de réformer la structure du conseil national tout en respectant les exigences juridictionnelles. Le maintien temporaire de la loi assure la stabilité institutionnelle mais n’exclut pas une application immédiate de la censure pour protéger les justiciables.

B. La modulation immédiate de la composition juridictionnelle

Le Conseil constitutionnel instaure une mesure provisoire afin de protéger les justiciables jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Il interdit aux représentants de l’État de siéger au conseil national statuant en formation disciplinaire dès la publication de la décision. Cette disposition transitoire neutralise l’inconstitutionnalité sans attendre la réforme législative pour tous les litiges n’ayant pas acquis un caractère définitif. Le juge précise que les décisions antérieures ne peuvent être remises en cause, sauf si le grief a été régulièrement invoqué. Cette prudence jurisprudentielle évite une insécurité juridique majeure tout en sanctionnant efficacement la violation du principe d’indépendance. La décision assure ainsi un équilibre délicat entre la rigueur de la protection constitutionnelle et la stabilité des situations juridiques acquises.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture