Le Conseil constitutionnel a rendu, le 13 février 2014, une décision relative à la loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat européen. Des députés ont saisi la juridiction pour contester l’interdiction de cumuler le mandat de représentant au Parlement européen avec certaines responsabilités locales. Les requérants invoquaient une méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité de la loi ainsi qu’une atteinte au principe d’égalité devant les emplois publics. Ils critiquaient également les modalités de résolution des incompatibilités, les assimilant à des sanctions automatiques contraires à la liberté de choix de l’électeur. Le juge constitutionnel devait déterminer si le renforcement des incompatibilités électives respectait les principes d’égalité et de clarté de la norme juridique. Il déclare les dispositions conformes sous réserve du respect des compétences organiques et de l’interprétation spécifique relative à certaines fonctions territoriales. L’examen du raisonnement suivi permet d’analyser d’abord la validation du régime général d’incompatibilité avant d’envisager les limites posées par le respect de la hiérarchie des normes.
I. La validation du régime général d’incompatibilité
A. La conformité aux principes de clarté et d’égalité Le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur doit adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de garantir l’intelligibilité de la loi. En renvoyant aux articles du code électoral, le législateur a « précisément défini la liste des mandats dont le cumul est ainsi interdit ». Cette technique législative ne porte pas atteinte à la clarté de la norme juridique car les fonctions visées sont clairement identifiées. L’interdiction de cumul repose sur la volonté de permettre aux élus d’exercer leurs fonctions de façon satisfaisante dans l’intérêt général. Le juge estime que ces interdictions « n’excèdent pas manifestement ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l’électeur ».
B. La qualification juridique des règles de résolution du cumul Les requérants soutenaient que la cessation de plein droit du mandat le plus ancien constituait une sanction automatique prohibée par la Constitution. Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en affirmant que ces règles « n’instituent pas des sanctions ayant le caractère d’une punition ». Il s’agit simplement d’un mécanisme technique visant à garantir l’exercice effectif du mandat auquel l’élu a le plus récemment concouru. Le délai de trente jours accordé pour démissionner d’une fonction antérieure protège suffisamment la liberté individuelle de l’élu concerné par le cumul. Cette procédure assure ainsi la primauté de l’expression la plus récente de la volonté électorale tout en évitant les conflits d’intérêts.
La validation de ces principes généraux se heurte cependant à la protection nécessaire des statuts territoriaux spécifiques prévus par la Constitution.
II. Le maintien de l’équilibre institutionnel par les réserves
A. La préservation des spécificités territoriales de la Corse Le Conseil constitutionnel émet une réserve d’interprétation impérative concernant les fonctions de vice-président élu par l’assemblée de Corse au sein de la collectivité territoriale. La loi ne saurait être interprétée comme permettant le cumul du mandat européen avec cette fonction spécifique de direction de l’organe exécutif local. Le juge veille ainsi à ce que l’harmonisation des régimes d’incompatibilité ne crée pas de lacunes injustifiées dans le contrôle des responsabilités exécutives. L’application de la loi doit respecter les structures institutionnelles particulières reconnues par le code général des collectivités territoriales pour cette île.
B. La sanction de l’incompétence de la loi ordinaire outre-mer La décision rappelle que l’organisation des institutions de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités d’outre-mer relève exclusivement de la compétence du législateur organique. La loi ordinaire ne peut donc pas modifier les règles relatives au régime électoral ou au fonctionnement des institutions spécifiques de ces territoires ultra-marins. L’institution de nouvelles incompatibilités pour ces fonctions locales « relève de la compétence du législateur organique » conformément aux articles 74 et 77 de la Constitution. Une loi simple ne saurait avoir pour effet de rendre applicables des interdictions touchant à l’équilibre des pouvoirs au sein de ces collectivités autonomes. Le Conseil censure ainsi toute extension automatique du régime d’incompatibilité européen qui méconnaîtrait le domaine réservé aux lois organiques statutaires.