Conseil constitutionnel, Décision n° 2014-703 DC du 19 novembre 2014

Par une décision rendue le 19 novembre 2014, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de la loi organique portant application de l’article 68. La question posée portait sur l’équilibre entre l’efficacité de la procédure de destitution et la préservation indispensable des prérogatives du Président de la République. Le législateur souhaitait organiser les modalités de réunion de la Haute Cour pour sanctionner un manquement aux devoirs manifestement incompatible avec l’exercice du mandat. Cette loi organique avait été adoptée par le Parlement afin de fixer les conditions de mise en œuvre de la responsabilité politique exceptionnelle du chef de l’État. Plusieurs articles encadraient précisément la proposition de résolution, l’examen parlementaire ainsi que la tenue des débats devant l’instance de jugement souveraine. Le Conseil constitutionnel devait ainsi statuer sur la validité de ces dispositions au regard du principe fondamental de la séparation des pouvoirs. La mise en œuvre de la destitution peut-elle limiter le droit d’initiative des parlementaires ou restreindre la durée des débats sans entraver la sincérité des délibérations ? Le juge censure la limitation du droit de signature des élus et l’intervention du chef du Gouvernement tout en encadrant strictement le rôle du Bureau. L’examen des modalités de déclenchement de la procédure précède l’analyse des garanties juridiques entourant le fonctionnement effectif de la Haute Cour.

I. L’encadrement des modalités de déclenchement de la procédure de destitution

A. La censure de la restriction du droit d’initiative parlementaire

Le juge souligne que l’article 68 n’établit pas de droit individuel mais il rejette une limite excessive au droit de signature des membres du Parlement. En « limitant le droit de chaque membre du Parlement à la signature d’une seule proposition de résolution par mandat présidentiel », le texte méconnaît la portée de la norme. Cette disposition constituait une entrave injustifiée à l’exercice d’une prérogative constitutionnelle destinée à protéger les droits de l’institution parlementaire. La juridiction garantit ainsi que les parlementaires conservent une entière liberté de mouvement face à d’éventuels manquements répétés du Président de la République. La définition des signataires autorisés assure la protection du déclenchement de l’instance avant d’envisager la composition des acteurs participant aux débats.

B. L’éviction du chef du Gouvernement de la phase de jugement

La décision écarte la participation du chef du Gouvernement aux débats devant la Haute Cour car la procédure ne le met pas directement en cause. Le Conseil affirme qu’en prévoyant cette présence, « ces dispositions sont contraires à la Constitution » puisque l’article 68 ne prévoit aucune intervention de l’organe exécutif. La séparation des pouvoirs interdit d’associer un organe étranger à une procédure de nature strictement parlementaire et quasi-juridictionnelle. Cette exclusion renforce la spécificité de la responsabilité politique du Président, laquelle demeure strictement personnelle et détachée de la solidarité gouvernementale ordinaire. La clarification des acteurs autorisés permet ensuite d’étudier les normes procédurales qui doivent régir le déroulement de cette instance exceptionnelle.

II. La protection du caractère démocratique et sincère des débats de la Haute Cour

A. La nécessaire soumission de l’organisation des travaux au règlement intérieur

Le Conseil constitutionnel juge que le Bureau ne peut fixer seul les règles relatives aux débats sans porter atteinte à la clarté des délibérations. Les conditions de limitation du temps de parole doivent impérativement être déterminées par un règlement soumis à un contrôle de constitutionnalité préalable et obligatoire. Le juge précise que les attributions du Bureau « n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de permettre à ce Bureau de fixer les règles relatives aux débats ». La légalité interne de la Haute Cour repose donc sur une norme collectivement adoptée et non sur des décisions administratives discrétionnaires. La maîtrise de la procédure par le droit écrit assure la sincérité des échanges lors de l’examen final de la destitution.

B. La garantie de la sincérité des débats face aux contraintes temporelles

L’interdiction de limiter les débats à quarante-huit heures constitue le point central de la protection de la sincérité des futures délibérations de la Haute Cour. Le Conseil estime qu’une telle contrainte temporelle porte « une atteinte injustifiée au principe de clarté et de sincérité des débats » au regard du délai constitutionnel. La gravité de la sanction finale impose que les représentants de la Nation disposent d’un temps suffisant pour examiner les manquements reprochés. La décision assure que la destitution ne devienne pas une procédure expéditive incompatible avec la solennité des fonctions présidentielles en cause. Le respect des délais raisonnables garantit l’équilibre entre la célérité nécessaire de la justice politique et le respect des droits de la défense.

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Hassan KOHEN
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