Le Conseil constitutionnel a rendu, le 19 novembre 2014, la décision numéro 2014-703 ORG relative à la loi organique d’application de l’article 68. Ce texte organise la destitution du Président de la République en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. Le législateur a soumis cette loi au contrôle obligatoire du juge constitutionnel afin de vérifier la régularité de la procédure devant la Haute Cour. Les parlementaires ont contesté certaines limitations imposées au droit d’initiative et aux modalités d’organisation des débats au sein de cette assemblée parlementaire exceptionnelle. Le problème juridique consiste à savoir si l’encadrement législatif respecte la séparation des pouvoirs et les prérogatives constitutionnelles des membres du Parlement national. Le juge censure les dispositions restreignant excessivement le droit de signature des résolutions ainsi que les contraintes temporelles pesant sur les délibérations souveraines.
I. La préservation de la nature politique de la procédure de destitution
A. La qualification de la Haute Cour comme assemblée parlementaire non juridictionnelle
Le Conseil constitutionnel souligne que la procédure de l’article 68 ne relève pas d’une compétence pénale classique mais d’une logique de responsabilité politique. Le texte précise que « la Haute Cour… ne constitue pas une juridiction chargée de juger le Président de la République… mais une assemblée parlementaire ». Cette qualification juridique implique que les élus agissent en tant que représentants de la souveraineté nationale et non comme des magistrats du siège. L’objectif de la réforme de 2007 était d’unifier le régime de responsabilité tout en protégeant la fonction présidentielle contre des poursuites judiciaires.
B. Le rétablissement du droit d’initiative individuel des membres du Parlement
Le législateur avait initialement limité à une seule signature par mandat la possibilité pour un élu de proposer la réunion de l’instance de destitution. Le juge constitutionnel censure cette disposition car elle apporte « une restriction d’une ampleur telle qu’elle en méconnaît la portée » de l’article 68 susmentionné. Cette décision protège le droit d’initiative individuel des parlementaires contre une entrave disproportionnée qui viderait la procédure de son efficacité concrète. La Haute Cour peut désormais être saisie plusieurs fois par les mêmes représentants si les circonstances politiques ou les manquements allégués le justifient. Cette architecture institutionnelle garantit l’autonomie du Parlement mais elle impose également le respect scrupuleux des règles de procédure pour assurer la validité de la décision.
II. L’encadrement rigoureux du déroulement des débats parlementaires
A. La sanctuarisation de la procédure contre l’immixtion injustifiée du pouvoir exécutif
Le Conseil constitutionnel écarte la participation du Premier ministre aux débats puisque la Constitution ne prévoit pas son intervention dans cette procédure de destitution spécifique. L’exclusion du chef du Gouvernement garantit la séparation des pouvoirs et évite toute pression indue de l’exécutif sur les délibérations de la Haute Cour. Le juge impose également que les règles de procédure soient fixées par un règlement intérieur soumis obligatoirement à son contrôle de constitutionnalité préalable. Cette exigence assure que l’organisation des travaux respecte « l’exigence de clarté et de sincérité des débats » inhérente à l’exercice de la souveraineté populaire.
B. La garantie de la sincérité des échanges par la censure des contraintes temporelles excessives
La loi organique prévoyait un délai de quarante-huit heures pour clore les débats, ce qui a été jugé contraire aux principes de délibération parlementaire. Le Conseil estime que cette limite temporelle est susceptible de « porter une atteinte injustifiée au principe de clarté et de sincérité des débats » concernés. Le respect du délai global d’un mois fixé par la Constitution suffit à garantir la célérité de la procédure sans sacrifier la réflexion. Le Parlement dispose donc du temps nécessaire pour apprécier la gravité des manquements reprochés avant de se prononcer définitivement sur le sort du mandat.