Le Conseil constitutionnel a été saisi par des membres du Parlement afin d’examiner la conformité de la loi de finances rectificative pour l’année deux mille quatorze. Cette décision rendue le 29 décembre 2014 intervient dans un contexte de contrôle étroit des dispositions fiscales et des cavaliers budgétaires par le juge constitutionnel. Les requérants contestaient plusieurs articles touchant à la fiscalité locale, aux plus-values immobilières et à l’intelligibilité de certaines mesures techniques ou procédurales. Ils invoquaient notamment la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques et l’incompétence négative du législateur sur des sujets complexes. Le Conseil constitutionnel a validé certaines mesures d’incitation fiscale tout en censurant des dispositions jugées confiscatoires ou insuffisamment précises pour les contribuables concernés. Il convient alors d’analyser la préservation de l’équité fiscale face aux charges publiques avant d’étudier l’exigence de clarté normative et le respect du domaine législatif.
I. La préservation de l’équité fiscale face aux charges publiques
Le juge constitutionnel censure le prélèvement forfaitaire de soixante-quinze pour cent applicable aux plus-values immobilières réalisées par des organismes situés dans des États non coopératifs. Cette imposition, cumulée aux prélèvements sociaux, porte la charge totale à quatre-vingt-dix virgule cinq pour cent, ce qui revêt manifestement un caractère confiscatoire prohibé. Le Conseil affirme que « ce régime dérogatoire fait peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leur capacité contributive et est contraire au principe d’égalité ». La sévérité de la sanction financière ne doit jamais conduire à une spoliation, même lorsque le législateur poursuit un objectif de lutte contre l’évasion fiscale. Cette décision rappelle que la souveraineté fiscale demeure limitée par les facultés contributives réelles des citoyens et des entités juridiques soumises à l’impôt français.
Parallèlement, le Conseil valide la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires située dans les zones géographiques marquées par une forte tension immobilière. Il considère que le législateur a fondé son appréciation sur des « critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose » d’atteindre. L’objectif d’inciter les propriétaires à affecter leurs logements à l’habitation principale justifie une différence de traitement fiscal entre les contribuables selon l’usage des biens. Les dégrèvements prévus pour les personnes ne pouvant affecter leur logement à une résidence principale pour une cause étrangère à leur volonté préservent l’égalité. Cette approche pragmatique permet de concilier les nécessités des politiques publiques locales avec le respect des principes constitutionnels garantissant une juste répartition de l’impôt.
II. L’exigence de clarté normative et le respect du domaine législatif
Le Conseil constitutionnel censure le dispositif relatif au régime fiscal des sociétés mères en raison de l’imprécision flagrante des critères d’assujettissement retenus par le législateur. En ne précisant pas si l’appréciation des activités soumises à l’impôt concernait la filiale ou ses propres sous-filiales, la loi a méconnu l’étendue de sa compétence. Le juge estime que « l’imprécision qui résulte de cette indétermination » empêche les acteurs économiques de connaître l’étendue exacte de leurs obligations fiscales futures. Cette censure pour incompétence négative souligne l’obligation pour le Parlement d’adopter des règles claires, intelligibles et suffisamment précises pour éviter tout arbitraire administratif. Le respect de l’article 34 de la Constitution impose une rédaction rigoureuse des textes fiscaux afin de garantir la sécurité juridique indispensable au monde des affaires.
Enfin, la décision écarte plusieurs dispositions étrangères au domaine exclusif des lois de finances, qualifiées traditionnellement de cavaliers budgétaires par la jurisprudence constitutionnelle constante. L’article ouvrant la faculté pour un collège d’experts de rendre un nouvel avis relatif au benfluorex est ainsi déclaré contraire à la Constitution. Le juge relève que cette mesure « ne concerne ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts » de l’État pour l’exercice considéré. Cette rigueur procédurale protège la spécificité du débat budgétaire contre l’insertion de réformes sectorielles n’ayant aucun impact financier direct sur les comptes publics. La protection de la sincérité des lois de finances garantit ainsi la clarté des débats parlementaires et la bonne information des citoyens sur les finances nationales.