Conseil constitutionnel, Décision n° 2015-491 QPC du 14 octobre 2015

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 14 octobre 2015, une décision précisant les conditions de saisine en matière de question prioritaire de constitutionnalité. Le requérant a formé un pourvoi en cassation contre une ordonnance de la cour administrative d’appel de Bordeaux rendue le 30 décembre 2014. Ce recours attaquait un jugement du tribunal administratif de Poitiers qui avait été rendu à la date du 17 juillet 2013. Une question prioritaire portant sur la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique fut soumise parallèlement au Conseil d’État. Le juge administratif n’ayant pas statué sur la transmission dans le délai légal, la question fut transmise d’office au juge constitutionnel.

Toutefois, le Conseil d’État a prononcé la non-admission du pourvoi en cassation par une ordonnance datée du 16 juillet 2015. Il convient de déterminer si l’extinction de l’instance originaire empêche le Conseil constitutionnel d’examiner une question transmise par une voie automatique. La juridiction constitutionnelle déclare la demande irrecevable au motif que l’instance principale était déjà achevée au moment de la saisine effective. L’étude de cette solution nécessite d’examiner l’interprétation stricte du mécanisme de saisine avant d’analyser la portée du caractère incident de la question.

I. L’interprétation stricte du mécanisme de la saisine automatique

A. La constatation de l’extinction de l’instance devant le juge administratif

Le litige portait initialement sur le bénéfice de l’aide juridique au cours d’une procédure menée devant les juridictions de l’ordre administratif. L’ordonnance organique du 7 novembre 1958 prévoit que le Conseil d’État dispose de trois mois pour statuer sur une transmission. Le silence de la haute juridiction administrative durant ce délai entraîne normalement le transfert automatique du dossier au secrétariat des sages. En l’espèce, le juge administratif a rendu une décision mettant fin au procès avant que le mécanisme de transmission ne soit activé. L’extinction de l’instance par une ordonnance de non-admission vide le recours de son objet juridique principal avant toute intervention constitutionnelle.

B. La neutralisation de la transmission par le constat de l’irrecevabilité

Le Conseil constitutionnel souligne que sa saisine automatique est conditionnée par l’existence d’une procédure toujours pendante devant le juge du fond. Il énonce que « le Conseil constitutionnel ne peut être saisi (…) lorsque l’instance à l’occasion de laquelle la question a été posée est éteinte ». L’article 23-9 dispose pourtant que l’extinction ultérieure de l’instance n’affecte pas l’examen du grief une fois que le juge est saisi. Cette règle ne s’applique pas lorsque la fin du litige survient avant que le Conseil ne soit officiellement saisi de la question. La décision d’irrecevabilité protège la juridiction contre des transmissions automatiques qui ne répondraient plus aux nécessités d’un procès en cours.

II. Une solution justifiée par la nature incidente de la question

A. La préservation de l’utilité du contrôle de constitutionnalité

La question prioritaire de constitutionnalité n’est pas une action directe mais une procédure accessoire servant à la résolution d’un litige déterminé. La survie d’un intérêt à agir demeure indispensable pour que le juge constitutionnel puisse se prononcer sur la validité d’une loi. Statuer sur une question dont le support juridictionnel a disparu reviendrait à effectuer un contrôle abstrait déconnecté de tout enjeu concret. Le Conseil constitutionnel refuse ainsi de devenir un organe de consultation purement théorique pour des plaideurs dont le procès est achevé.

B. La discipline imposée aux juridictions de renvoi

Cette jurisprudence souligne l’importance d’une coordination temporelle entre l’examen du fond du droit et celui du moyen de constitutionnalité soulevé. Les juridictions suprêmes doivent veiller à ne pas clore prématurément l’instance si une question prioritaire est en cours de transmission automatique. Le risque d’irrecevabilité incite les juges du fond à respecter les délais impartis pour se prononcer explicitement sur le renvoi constitutionnel. La solution garantit une bonne administration de la justice en évitant l’encombrement du rôle par des questions devenues sans influence réelle.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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