Le Conseil constitutionnel a rendu, le 10 décembre 2015, une décision relative à la régulation de la distribution des produits pétroliers dans les territoires ultramarins. La loi impose l’établissement d’un plan de prévention des ruptures d’approvisionnement désignant des détaillants tenus de maintenir leur activité en cas d’action concertée. Les requérants soutiennent que ces dispositions portent une atteinte inconstitutionnelle au droit de grève des gérants salariés ainsi qu’à la liberté d’entreprendre des indépendants. Ils considèrent que l’interdiction d’interrompre la distribution de carburant constitue une contrainte excessive pour les exploitants de stations-service figurant sur la liste administrative. La question de droit posée est de savoir si l’obligation de service minimum imposée aux distributeurs de produits pétroliers respecte l’équilibre entre libertés individuelles et intérêt général. La haute instance juge les dispositions conformes à la Constitution en invoquant la nécessité de garantir l’ordre public économique dans les collectivités d’outre-mer.
I. La recherche d’un équilibre entre ordre public et libertés constitutionnelles
A. L’identification d’un objectif d’intérêt général économique
Le Conseil observe que le législateur a entendu « prévenir les dommages pour l’activité économique de certaines collectivités d’outre-mer » par cette réglementation. Cet objectif répond à un motif de « préservation de l’ordre public économique » dans des zones géographiques sensibles aux blocages des flux énergétiques. La protection de l’économie locale justifie que l’autorité publique organise un service minimal pour les approvisionnements jugés essentiels à la vie quotidienne.
B. L’encadrement des principes constitutionnels de grève et d’entreprendre
La haute juridiction rappelle que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » conformément au Préambule de 1946. Le législateur doit assurer la « conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels […] et la sauvegarde de l’intérêt général » au profit de la nation. La liberté d’entreprendre peut subir des limitations liées à des exigences constitutionnelles à la condition qu’elles ne soient pas disproportionnées au regard du but.
II. La validation d’un dispositif administratif strictement encadré et proportionné
A. Le champ d’application restreint de la contrainte matérielle
Le mécanisme contesté s’applique uniquement aux territoires où le secteur des produits pétroliers est soumis à une « réglementation des prix en application du code ». Le plan administratif ne vise qu’au « moins un quart des détaillants » du réseau de distribution pour assurer un maillage suffisant du territoire. Ce nombre limité de points de vente concernés permet le maintien d’une activité vitale sans pour autant paralyser l’ensemble des opérateurs économiques.
B. L’effectivité des garanties et des exceptions constitutionnelles
Le Conseil relève que l’interdiction « ne s’applique pas […] lorsque cette interruption est justifiée par la grève de leurs salariés » ou des circonstances exceptionnelles. La restriction du droit des gérants n’empêche pas l’expression collective des revendications sociales des employés placés sous leur direction ou leur autorité. Les dispositions contestées n’apportent donc ni une « limitation excessive à l’exercice du droit de grève » ni une « atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ».