Conseil constitutionnel, Décision n° 2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016

Par une décision rendue le quatorze janvier deux mille seize, le Conseil constitutionnel examine la conformité de la répression des opérations d’initié au regard de la Constitution. Cette question prioritaire de constitutionnalité visait l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dans ses rédactions successives entre deux mille six et deux mille dix. Les requérants soutenaient que le cumul des sanctions administratives et pénales pour une même infraction méconnaissait le principe de nécessité des délits et des peines. Ils invoquaient également une violation de l’autorité attachée aux décisions antérieures du Conseil ayant déjà censuré des dispositions législatives analogues en mars deux mille quinze. Les sages déclarent la version de deux mille six conforme mais constatent l’absence de nécessité de statuer pour les versions postérieures au changement de circonstances de droit. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la validation du cumul répressif initial avant d’observer le maintien de la censure pour les régimes de sanctions devenus redondants.

I. La validation d’une dualité répressive fondée sur la différence de nature des sanctions

A. La caractérisation de sanctions pécuniaires et pénales distinctes

Le Conseil constitutionnel affirme que le principe de nécessité des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits fassent l’objet de poursuites différentes. Cette dualité est permise lorsque les punitions sont de nature administrative ou pénale et s’appliquent en vertu de corps de règles distincts devant leur propre juridiction. Concernant la loi de deux mille six, les juges notent que « l’auteur d’un délit d’initié peut être puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement » au pénal. À l’inverse, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers ne pouvait prononcer que des amendes dont le plafond était alors limité à un montant inférieur. Cette différence fondamentale de sévérité et de finalité entre les deux ordres de répression justifie la conformité du texte initial aux exigences de la Déclaration de 1789.

B. Le respect du principe de proportionnalité dans le cumul des poursuites

L’admission du cumul répressif pour le régime de deux mille six s’accompagne d’une réserve stricte concernant le montant total des condamnations prononcées contre le contrevenant. Le juge constitutionnel précise que « le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas » un plafond. Cette limite correspond au montant le plus élevé prévu par l’une des deux qualifications juridiques afin d’éviter une répression manifestement excessive des manquements financiers constatés. La solution assure ainsi un équilibre entre l’efficacité de la régulation des marchés et la protection des libertés individuelles contre l’arbitraire d’une double punition démesurée.

II. La réitération de la censure pour les régimes de répression identiques

A. L’application de l’autorité de chose jugée aux dispositions analogues

Pour les rédactions de deux mille neuf et deux mille dix, le Conseil refuse de se prononcer à nouveau en l’absence de changement de circonstances de droit. Il souligne que l’état du droit applicable à la répression pendant ces périodes est strictement analogue à celui qui fut censuré le dix-huit mars deux mille quinze. La loi de modernisation de l’économie avait porté le plafond des sanctions administratives à dix millions d’euros, alignant ainsi la punition pécuniaire sur le délit pénal. Dès lors que les sanctions « ne peuvent être regardées comme de nature différente », le cumul devient contraire au principe de nécessité établi par l’article huit de la Déclaration.

B. La portée de la décision sur la cohérence du droit financier positif

Cette décision consolide la jurisprudence interdisant le double procès pour les fautes boursières les plus graves lorsque les régimes de sanctions tendent vers une identité parfaite. Le Conseil constitutionnel impose indirectement une spécialisation des poursuites afin de mettre fin à une insécurité juridique préjudiciable aux acteurs économiques intervenant sur les marchés financiers. Le législateur est ainsi contraint de définir des critères de répartition clairs entre la voie pénale et la voie administrative pour sanctionner efficacement les opérations d’initié. La décision du quatorze janvier deux mille seize marque l’aboutissement d’un mouvement constitutionnel visant à rationaliser la puissance punitive de l’État dans le domaine complexe des finances.

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Hassan KOHEN
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