Conseil constitutionnel, Décision n° 2015-519 QPC du 3 février 2016

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision rendue le 3 février 2016, s’est prononcé sur les critères de représentativité des organisations professionnelles d’employeurs. Plusieurs organisations contestaient les dispositions du code du travail issues de la loi du 5 mars 2014 relatives à la mesure de l’audience patronale. Les requérants critiquaient un calcul fondé exclusivement sur le nombre d’entreprises adhérentes sans considération pour leur effectif salarié ou leur poids économique réel. Ils invoquaient une atteinte à la liberté syndicale, au principe de participation des travailleurs et à l’égalité devant la loi garantie par la Constitution. La question posée au juge constitutionnel consistait à déterminer si l’exclusion de la taille des entreprises dans la mesure de l’audience méconnaissait ces principes. Le Conseil a déclaré les dispositions conformes en soulignant que le législateur assure ainsi un accès égal à la représentativité pour toutes les structures. Cette décision confirme la validité du critère numérique d’adhésion (I) tout en précisant l’application limitée des principes collectifs au bénéfice des seuls employeurs (II).

I. La validation d’un critère de représentativité fondé sur le décompte des entreprises

A. La consécration de la mesure de l’audience par l’adhésion volontaire

Le code du travail dispose que l’audience patronale se mesure selon le « nombre d’entreprises adhérentes à jour de leur cotisation » au sein de la branche. Cette règle impose un seuil de huit pour cent des entreprises pour qu’une organisation soit reconnue représentative au niveau national et interprofessionnel. Le Conseil constitutionnel précise qu’il appartient au législateur de fixer les conditions de mise en œuvre de la liberté syndicale selon l’article trente-quatre. Il valide le choix d’un critère numérique simple qui permet de vérifier l’implantation réelle d’un syndicat patronal auprès de ses membres potentiels. Le juge considère que cette modalité de calcul garantit une visibilité claire de la légitimité des organisations lors des phases de négociation collective. La mesure de l’audience s’effectue tous les quatre ans pour assurer une actualisation régulière de la représentativité des acteurs sociaux dans leur secteur.

B. L’indifférence légitime à la puissance économique des adhérents

Les requérants soutenaient que le législateur devait impérativement prendre en compte le nombre de salariés ou le chiffre d’affaires pour mesurer l’influence réelle. Le Conseil rejette cet argument en affirmant que la loi a entendu « assurer un égal accès à la représentativité » quelles que soient les caractéristiques physiques des membres. Le juge constitutionnel estime que le critère de la taille des entreprises n’est pas une exigence découlant de la liberté syndicale de l’employeur. Il rappelle toutefois que le poids salarié des entreprises adhérentes est pris en compte lors de la conclusion d’accords collectifs de branche ou nationaux. Cette distinction permet de séparer la reconnaissance de la représentativité d’une part et l’exercice du droit de s’opposer à une extension d’accord d’autre part. Le législateur évite ainsi une domination excessive des grandes entreprises sur les organisations syndicales représentant prioritairement les petites et moyennes structures économiques.

II. L’encadrement des droits constitutionnels collectifs dans la sphère patronale

A. Une protection encadrée de la liberté syndicale et du pluralisme

Le sixième alinéa du Préambule de 1946 dispose que tout homme peut défendre ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. Le Conseil constitutionnel juge que cette liberté n’impose pas la reconnaissance de toutes les organisations comme représentatives indépendamment de leur audience réelle. Le seuil de huit pour cent fixé par le législateur vise à « éviter la dispersion de la représentativité patronale » sans pour autant entraver le pluralisme. Le juge constitutionnel considère que ce niveau d’exigence est proportionné aux objectifs d’intérêt général poursuivis par la loi sur la démocratie sociale. Le pluralisme reste préservé dès lors que plusieurs organisations peuvent atteindre ce seuil minimal dans un même champ professionnel ou au niveau national. L’équilibre ainsi trouvé permet de dégager des interlocuteurs suffisamment forts pour mener des discussions sociales constructives avec les syndicats de salariés.

B. Le rejet du principe de participation et de l’inégalité de traitement

L’examen du grief tiré du principe de participation permet au Conseil de souligner une distinction majeure entre les droits des travailleurs et ceux des employeurs. Le huitième alinéa du Préambule de 1946 consacre un droit pour les travailleurs de participer à la détermination collective des conditions de travail. Le juge constitutionnel affirme de manière inédite que ce texte « ne confère aucun droit équivalent au bénéfice des employeurs » dans le cadre de leur représentation. Le grief relatif à l’inégalité devant la loi est également écarté car le législateur a traité de manière identique l’ensemble des entreprises adhérentes. La différence de situation liée à la taille des entreprises ne commande pas un traitement législatif distinct pour l’établissement de la représentativité des organisations. Les dispositions contestées sont donc conformes à la Constitution car elles ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté garanti par le bloc de constitutionnalité.

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Hassan KOHEN
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