Le Conseil constitutionnel s’est prononcé, le 19 février 2016, sur la conformité de dispositions législatives régissant l’indemnisation des anciens harkis et personnels des formations supplétives.
La requérante contestait l’exigence d’un statut civil de droit local ainsi que le caractère rétroactif d’une loi validant les refus opposés par l’autorité administrative.
La procédure trouvait son origine dans une question prioritaire de constitutionnalité transmise pour examiner si ces restrictions respectaient les droits garantis par le bloc de constitutionnalité.
Le problème juridique portait sur la validité d’une validation législative rétroactive au regard de la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789.
Les juges ont déclaré contraire à la Constitution le mécanisme de rétroactivité faute de justification suffisante par un motif impérieux d’intérêt général pour les finances publiques.
L’examen de cette espèce invite à analyser l’encadrement des conditions d’indemnisation avant d’aborder la censure de l’atteinte disproportionnée portée à la garantie des droits.
**I. L’encadrement du régime d’indemnisation par le critère du statut civil**
**A. La confirmation d’une condition de statut civil de droit local**
Le Conseil constitutionnel a relevé que la loi réserve désormais le bénéfice des allocations de reconnaissance aux seuls personnels relevant du statut civil de droit local.
Cette distinction repose sur la volonté du législateur de compenser les difficultés spécifiques d’insertion rencontrées par ces personnes lors de leur arrivée sur le territoire national.
La juridiction a toutefois refusé de réexaminer ce critère de fond car il avait déjà fait l’objet d’une déclaration de conformité dans une décision de justice antérieure.
L’absence de changement des circonstances de droit ou de fait ne permettait pas au Conseil de remettre en cause cette condition d’attribution de l’allocation financière.
**B. Le respect de l’autorité de la chose jugée constitutionnelle**
L’article 9 de la loi du 16 juillet 1987 avait été spécialement examiné par les juges constitutionnels dans les motifs et le dispositif d’une décision précédente.
Le Conseil rappelle qu’une disposition déclarée conforme ne peut être contestée de nouveau, sauf si des éléments nouveaux justifient un nouvel examen de la question prioritaire.
En l’espèce, les mots « de statut civil de droit local » n’ont pas été soumis à un nouveau contrôle de constitutionnalité pour respecter la stabilité juridique.
La solution rendue confirme ainsi la primauté de l’autorité attachée aux décisions du Conseil sur les dispositions législatives déjà validées par le passé dans des circonstances identiques.
**II. La sanction de l’atteinte rétroactive à la garantie des droits**
**A. L’insuffisance du motif impérieux d’intérêt général invoqué**
Le législateur peut modifier rétroactivement une règle à condition que l’atteinte soit « justifiée par un motif impérieux d’intérêt général » au sens de la Déclaration de 1789.
Le Gouvernement invoquait la préservation des finances publiques pour valider rétroactivement les décisions de refus opposées aux demandes d’allocations formées par les anciens harkis concernés.
Le Conseil souligne pourtant que « l’existence d’un enjeu financier important pour les finances publiques lié à ces dispositions n’est pas démontrée » par les autorités publiques.
La simple volonté de rétablir un dispositif correspondant à l’intention initiale du législateur ne constitue pas une justification suffisante pour porter atteinte aux droits des justiciables.
**B. L’annulation de la validation rétroactive des actes administratifs**
La disposition contestée entraînait l’extinction totale du droit à allocation pour les personnes ayant déjà engagé une procédure administrative ou contentieuse avant l’entrée en vigueur.
Le Conseil constitutionnel juge que cette rétroactivité méconnaît les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789 relatif à la garantie effective des droits des citoyens.
Il affirme que « la déclaration d’inconstitutionnalité du paragraphe II de l’article 52 de la loi du 18 décembre 2013 prend effet à compter de la publication ».
Cette décision permet aux requérants dont l’instance est en cours d’écarter l’application de la loi rétroactive pour obtenir le rétablissement de leurs droits individuels à indemnisation.