Le Conseil constitutionnel a rendu, le 22 décembre 2015, la décision n° 2015-527 QPC relative au régime de l’assignation à résidence. Cette décision examine la conformité de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 au regard des droits et libertés constitutionnels. Le litige s’inscrit dans le cadre de l’état d’urgence déclaré sur l’ensemble du territoire national à la suite d’attentats terroristes majeurs. Plusieurs requérants ont contesté les pouvoirs de police administrative permettant de restreindre les déplacements de personnes jugées dangereuses pour la sécurité publique.
Les auteurs des questions prioritaires de constitutionnalité soutenaient que ces mesures portaient une atteinte excessive à la liberté d’aller et de venir. Ils invoquaient principalement la méconnaissance de l’article 66 de la Constitution qui confie à l’autorité judiciaire la protection de la liberté individuelle. Selon leur analyse, l’absence d’intervention d’un magistrat du siège pour autoriser ces contraintes rendait le dispositif législatif intrinsèquement contraire aux principes républicains. Le Conseil d’État a transmis ces interrogations au juge constitutionnel afin de vérifier la validité des dispositions modifiées par la loi du 20 novembre 2015.
Le problème de droit consistait à déterminer si une mesure administrative de contrainte spatiale pouvait être mise en œuvre sans l’autorisation préalable du juge judiciaire. Les Sages devaient également apprécier si les limitations apportées aux libertés fondamentales étaient strictement proportionnées aux nécessités de la sauvegarde de l’ordre public. Le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions conformes, sous réserve que l’astreinte à domicile ne dépasse pas douze heures par jour. La réflexion s’articulera autour de la qualification juridique de la mesure avant d’en examiner l’encadrement proportionné par le juge administratif.
I. La distinction entre restriction et privation de la liberté individuelle
A. L’exclusion de la protection spécifique de l’article 66 de la Constitution
La décision écarte l’application de la protection judiciaire renforcée pour les mesures d’assignation à résidence ne constituant pas des détentions arbitraires. Le Conseil affirme que ces dispositions, relevant de la police administrative, ne comportent pas de privation de la liberté individuelle au sens constitutionnel. Il considère que « tant par leur objet que par leur portée, ces dispositions ne comportent pas de privation de la liberté individuelle ». Cette approche restreint le champ d’intervention du juge judiciaire aux seules situations de claustration totale ou de privation physique de liberté.
B. Le critère temporel de l’astreinte à domicile comme garantie de conformité
Le juge constitutionnel fixe une limite précise au-delà de laquelle la restriction de mouvement bascule vers une privation de liberté proprement dite. Il précise que la plage horaire maximale de l’astreinte, fixée à douze heures, ne saurait être allongée sans modifier la nature de la mesure. La décision souligne que l’assignation serait alors « regardée comme une mesure privative de liberté, dès lors soumise aux exigences de l’article 66 de la Constitution ». Cette réserve d’interprétation impose au législateur un cadre temporel strict pour éviter tout contournement des compétences exclusives de l’autorité judiciaire.
II. L’encadrement de l’atteinte à la liberté d’aller et de venir
A. La conciliation entre les nécessités de l’ordre public et les libertés individuelles
Le législateur peut valablement prévoir un régime d’exception pour prévenir les atteintes graves à la sécurité et à l’ordre publics nationaux. Le Conseil constitutionnel vérifie que les mesures sont adaptées aux circonstances particulières ayant conduit à la déclaration initiale de l’état d’urgence. Il rappelle que la Constitution n’exclut pas la possibilité de restreindre la liberté d’aller et de venir pour protéger efficacement la collectivité. La décision valide ainsi un dispositif dérogatoire fondé sur l’existence de raisons sérieuses de penser qu’un comportement constitue une menace réelle.
B. L’effectivité du contrôle exercé par la juridiction administrative
La conformité constitutionnelle repose enfin sur la possibilité pour les personnes assignées d’exercer des recours effectifs devant le juge de l’excès de pouvoir. Les Sages insistent sur la mission du magistrat administratif qui doit s’assurer que la mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi. Le Conseil relève que « le juge administratif est chargé de s’assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit ». Cette surveillance juridictionnelle garantit le respect des droits fondamentaux tout en permettant l’efficacité de l’action préventive des autorités étatiques.