Conseil constitutionnel, Décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 22 décembre 2015, une décision primordiale relative au régime juridique de l’assignation à résidence sous l’état d’urgence. À la suite d’attaques violentes sur le territoire national, l’autorité administrative a déclaré l’état d’urgence et renforcé les mesures de police par une loi nouvelle. Un individu s’est vu notifier une assignation à résidence assortie d’une obligation de demeurer à son domicile durant une partie de la nuit. Il a alors contesté la légalité de cette mesure devant les juridictions administratives avant de soulever une question prioritaire de constitutionnalité concernant la loi. Le Conseil d’État a transmis cette contestation aux juges de la rue de Montpensier pour vérifier si le texte respectait les garanties fondamentales des citoyens. Le requérant soutenait que l’assignation à résidence méconnaissait la compétence du juge judiciaire et portait une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir. La juridiction devait déterminer si une mesure de contrainte administrative limitant les mouvements d’une personne nécessite l’intervention systématique de l’autorité judiciaire constitutionnellement garante. Les juges déclarent les dispositions contestées conformes à la Constitution tout en posant une limite temporelle stricte à l’astreinte nocturne pour préserver la liberté individuelle. L’étude de cette décision impose d’analyser la distinction entre restriction et privation de liberté avant d’évaluer la proportionnalité des atteintes portées aux libertés fondamentales.

I. La qualification de l’assignation à résidence au regard de la liberté individuelle

A. L’exclusion de la compétence judiciaire par la nature administrative de la mesure

Les juges constitutionnels précisent d’abord la nature juridique de l’assignation à résidence afin de déterminer l’étendue de la protection offerte par l’autorité judiciaire compétente. La décision énonce que cette mesure « relève de la seule police administrative et ne peut donc avoir d’autre but que de préserver l’ordre public ». Le Conseil affirme que l’assignation ne constitue pas une privation de liberté individuelle au sens de l’article soixante-six de la Constitution de la République. Cette interprétation stricte permet d’écarter l’intervention obligatoire du juge judiciaire pour contrôler les mesures prises par l’administration dans le cadre du péril imminent. La juridiction considère que le maintien des personnes à proximité d’une agglomération n’équivaut pas à une détention arbitraire proscrite par le texte constitutionnel. Toutefois, cette qualification administrative dépend strictement du respect d’un seuil temporel au-delà duquel la mesure change de nature juridique et de régime.

B. La limite temporelle de l’astreinte à domicile comme frontière de la liberté individuelle

Le Conseil constitutionnel pose une réserve d’interprétation cruciale concernant la durée pendant laquelle un individu peut être contraint de demeurer dans son habitation personnelle. Il juge que la plage horaire d’astreinte, fixée à douze heures, « ne saurait être allongée sans que l’assignation soit alors regardée comme une mesure privative ». Le franchissement de ce seuil temporel transformerait la simple restriction de mouvement en une privation de liberté exigeant l’intervention protectrice du juge de l’ordre judiciaire. Cette délimitation nette assure une conciliation fragile entre les nécessités de la sécurité publique et la sauvegarde des droits les plus intimes des citoyens français. L’équilibre ainsi trouvé permet à l’administration d’agir efficacement tout en respectant le domaine réservé à l’autorité judiciaire par la charte fondamentale de notre droit. Une fois la compétence juridictionnelle établie, il appartient aux juges de vérifier que ces atteintes aux libertés restent proportionnées aux objectifs de sécurité.

II. Le contrôle de proportionnalité des atteintes à la liberté d’aller et de venir

A. Un régime d’exception justifié par la sauvegarde de l’ordre public

La liberté d’aller et de venir constitue une composante essentielle de la liberté personnelle protégée par les articles deux et quatre de la Déclaration de 1789. Le législateur peut porter atteinte à ce droit fondamental à condition de justifier d’un motif d’intérêt général lié à la sauvegarde de l’ordre public. L’assignation à résidence suppose que le comportement de la personne constitue une « menace pour la sécurité » dans les circonstances particulières de l’état d’urgence actuel. Les juges vérifient que le régime d’exception est strictement adapté aux événements graves justifiant le déclenchement des pouvoirs exceptionnels par le gouvernement de la République. La proportionnalité de la mesure dépend directement de la réalité du péril imminent et de la durée limitée de l’application de ce régime juridique exorbitant. La validité de ce dispositif exceptionnel repose enfin sur l’existence d’un contrôle effectif exercé par le juge administratif sur les décisions prises par l’administration.

B. L’effectivité du contrôle juridictionnel comme garantie des droits fondamentaux

Le Conseil constitutionnel souligne que les administrés conservent le droit de contester les décisions de l’autorité administrative devant le juge de l’ordre administratif compétent. Ce recours juridictionnel permet de vérifier s’il existe des « raisons sérieuses de penser » que l’individu représente effectivement un danger réel pour la collectivité nationale. L’existence de procédures d’urgence, comme le référé, garantit une protection rapide contre les éventuels abus de pouvoir commis lors de l’application de la loi. L’encadrement par le juge administratif assure que les restrictions ne deviennent pas excessives au regard du but de prévention des infractions pénales recherché. La décision valide ainsi le dispositif législatif tout en rappelant que la protection des libertés publiques reste le principe immuable de notre État de droit.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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