Conseil constitutionnel, Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 23 juillet 2015, se prononce sur la conformité de la loi relative au renseignement aux droits et libertés garantis. Cette décision intervient dans un contexte de renforcement des capacités techniques de l’État pour assurer la sécurité nationale face aux menaces terroristes contemporaines. Plusieurs autorités saisissent la juridiction constitutionnelle afin de contester les dispositions autorisant diverses techniques de surveillance électronique sur le territoire national et à l’étranger. Les requérants dénoncent une atteinte excessive à la vie privée ainsi qu’un manque de contrôle effectif sur les services spécialisés agissant sous l’autorité administrative. La question posée au juge porte sur l’équilibre nécessaire entre la sauvegarde de l’ordre public et la protection des libertés individuelles numériques. Le Conseil valide l’essentiel du texte en soulignant le caractère administratif des mesures mais censure les dispositifs dépourvus de garanties suffisantes ou insuffisamment définis. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord l’encadrement administratif des techniques de recueil avant d’examiner la sanction des atteintes disproportionnées aux libertés fondamentales.

I. L’encadrement administratif des techniques de recueil de renseignement

A. La qualification de mesures de police administrative

Le Conseil constitutionnel confirme que les activités de renseignement relèvent exclusivement de la police administrative en raison de leur finalité préventive d’atteinte à l’ordre public. Il précise que ce recueil « ne peut avoir d’autre but que de préserver l’ordre public et de prévenir les infractions » pénales. Cette qualification juridique écarte l’exigence d’une intervention systématique de l’autorité judiciaire au sens de l’article 66 de la Constitution française. Le législateur peut donc confier au Premier ministre le pouvoir d’autoriser ces mesures sans méconnaître les prérogatives traditionnelles du juge judiciaire. Les finalités poursuivies par les services sont jugées conformes dès lors que le législateur a « précisément circonscrit les finalités ainsi poursuivies » par la loi. La conciliation entre la prévention des infractions et le respect de la vie privée ne paraît pas manifestement déséquilibrée dans ce cadre.

B. L’instauration d’un contrôle externe indépendant

La validité du dispositif repose sur l’existence d’un contrôle exercé par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et le juge administratif. Cette autorité administrative indépendante doit émettre un avis préalable sur chaque demande de mise en œuvre d’une technique de surveillance électronique ou physique. Le juge constitutionnel relève que les atteintes au droit au respect de la vie privée doivent demeurer « proportionnées à l’objectif poursuivi » par l’administration. Le Conseil d’État est également désigné comme la juridiction compétente pour connaître des recours relatifs à la mise en œuvre de ces techniques particulières. Les membres de la formation de jugement disposent d’un accès aux pièces couvertes par le secret de la défense nationale pour assurer l’effectivité du contrôle. Cette organisation garantit le respect du droit à un recours juridictionnel effectif malgré les contraintes inhérentes à la protection des intérêts fondamentaux nationaux.

II. La sanction des atteintes disproportionnées aux libertés fondamentales

A. La censure de l’urgence absolue sans autorisation préalable

Le juge constitutionnel censure l’article prévoyant une procédure de dérogation totale à l’autorisation préalable en cas d’urgence liée à une menace imminente. Cette disposition permettait aux agents d’installer des dispositifs de localisation ou d’interception sans l’aval immédiat du Premier ministre ni avis de la commission. Le Conseil estime que de telles mesures « portent une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances ». L’absence de contrôle humain ou administratif au moment du déclenchement de la surveillance constitue une rupture inadmissible des garanties constitutionnelles minimales. Même en cas de risque élevé, le législateur ne peut s’affranchir de la nécessité d’une autorisation formalisée par l’autorité politique responsable. Cette décision rappelle que l’efficacité opérationnelle des services ne saurait justifier l’effacement complet des procédures protectrices des citoyens sur le territoire.

B. L’insuffisance du cadre légal relatif à la surveillance internationale

La juridiction constitutionnelle sanctionne également les dispositions relatives à la surveillance des communications émises ou reçues depuis l’étranger pour incompétence négative du législateur. La loi renvoyait excessivement au pouvoir réglementaire le soin de définir les conditions d’exploitation et de conservation des renseignements collectés hors frontières. Le Conseil considère que « le législateur n’a pas déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Cette omission législative méconnaît l’article 34 de la Constitution qui réserve au Parlement la fixation des garanties fondamentales des libertés. La protection de la vie privée s’applique indépendamment de la localisation géographique des données dès lors que l’État français procède à leur traitement. La censure impose donc au législateur de définir un cadre plus précis et contraignant pour les activités de surveillance internationale des services.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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