Conseil constitutionnel, Décision n° 2016-531 QPC du 1 avril 2016

Le Conseil constitutionnel a rendu le 1er avril 2016 une décision relative à la conformité de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique. Cette affaire interroge la validité constitutionnelle du régime de responsabilité civile applicable en matière d’infections nosocomiales contractées lors de soins médicaux.

Un patient a saisi la juridiction afin de contester la distinction opérée par le législateur entre les établissements de santé et les praticiens libéraux. Les faits révèlent une contamination contractée en dehors d’une structure hospitalière, soumettant ainsi l’indemnisation du préjudice subi à la preuve d’une faute.

Le requérant soutient que cette différence de traitement méconnaît le principe d’égalité devant la loi énoncé à l’article 6 de la Déclaration de 1789. La procédure a été introduite par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel.

La question posée porte sur la légitimité d’un régime de responsabilité pour faute s’appliquant exclusivement aux soins dispensés en ville par des professionnels. Il convient de déterminer si la spécificité du milieu hospitalier justifie une responsabilité de plein droit dont les praticiens libéraux demeurent légalement exclus.

Le Conseil rejette le grief et déclare la disposition conforme à la Constitution en soulignant la prévalence supérieure du risque infectieux au sein des établissements. La reconnaissance d’une différence de situation objective légitime alors la validation d’un régime de responsabilité civile binaire au profit de la sécurité juridique.

I. La reconnaissance d’une différence de situation objective

A. La spécificité des risques en milieu hospitalier

Le Conseil constitutionnel fonde son raisonnement sur la réalité statistique et technique des actes médicaux pratiqués au sein des établissements de santé. Il relève que ces structures se caractérisent par une « prévalence des infections nosocomiales supérieure à celle constatée chez les professionnels de santé exerçant en ville ».

Cette distinction repose sur « les caractéristiques des patients accueillis » ainsi que sur « la durée de leur séjour » au sein de ces structures de soins. La juridiction souligne que la nature des actes pratiqués et la spécificité des agents pathogènes aggravent sensiblement le risque infectieux en milieu hospitalier.

B. L’incidence des obligations légales de sécurité

Le législateur a entendu imposer aux établissements de santé des contraintes particulières en matière de politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité. Ces entités doivent « organiser la lutte contre les évènements indésirables, les infections associées aux soins et l’iatrogénie » selon le code de la santé publique.

Le Conseil constitutionnel estime que ces devoirs spécifiques justifient l’application d’un régime de responsabilité plus rigoureux que celui applicable aux cabinets médicaux. La différence de traitement repose ainsi sur une disparité réelle de situation entre les deux modes d’exercice de la médecine professionnelle.

II. La validation d’un régime de responsabilité différencié

A. Le maintien de la responsabilité pour faute en médecine de ville

La décision confirme que les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables de leurs actes « qu’en cas de faute » prouvée par la victime. Cette règle s’applique aux dommages liés à une infection nosocomiale n’ouvrant pas droit à une réparation intégrale au titre de la solidarité nationale.

L’exigence de la faute protège le praticien exerçant en ville contre une présomption de responsabilité pesant exclusivement sur les structures disposant de moyens techniques supérieurs. Le Conseil constitutionnel juge cette distinction « en rapport avec l’objet de la loi » visant à encadrer l’indemnisation des accidents médicaux graves.

B. La portée de la décision sur le droit des victimes

Le rejet du grief tiré de la rupture d’égalité fige la dualité des régimes juridiques applicables selon le lieu de survenance du dommage corporel. Les établissements de santé restent responsables « sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère » pour les infections nosocomiales contractées dans leurs locaux.

Cette solution renforce la sécurité juridique des professionnels libéraux tout en maintenant un haut niveau de protection pour les patients admis en milieu hospitalier. La décision du 1er avril 2016 assure ainsi un équilibre entre les impératifs économiques de l’assurance médicale et le droit à réparation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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