Par une décision rendue le 1er avril 2016, le Conseil constitutionnel a examiné la conformité à la Constitution du second alinéa de l’article 836 du code de procédure pénale. Cette disposition législative régit la composition du tribunal correctionnel siégeant en formation collégiale au sein du territoire des îles Wallis-et-Futuna. Des parties requérantes ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité dénonçant la présence majoritaire de juges non professionnels dans cette juridiction répressive de droit commun. Elles soutenaient que cette organisation méconnaissait l’article 66 de la Constitution, le principe d’égalité devant la justice ainsi que l’exigence d’impartialité. Le tribunal correctionnel local se composait effectivement d’un seul magistrat du siège assisté par deux assesseurs recrutés selon des critères de compétence et d’impartialité. La question posée au juge constitutionnel consistait à déterminer si une juridiction de droit commun peut prononcer des peines privatives de liberté sans majorité de magistrats professionnels. Le Conseil constitutionnel censure la disposition contestée en affirmant que la proportion des juges non professionnels doit impérativement rester minoritaire dans ces formations de jugement.
I. La protection constitutionnelle de la liberté par la composition du siège
A. Le rôle de l’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle
Le Conseil constitutionnel fonde sa décision sur l’article 66 de la Constitution qui dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu ». Il rappelle que « l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Cette mission de protection impose des exigences rigoureuses quant à la structure des juridictions habilitées à prononcer des mesures restrictives de liberté. Le juge constitutionnel déduit de ces principes une règle organique relative à la mixité des formations de jugement en matière pénale. S’il n’interdit pas la présence de juges non professionnels, il encadre strictement leur participation aux décisions les plus graves.
L’interprétation retenue souligne que le pouvoir de priver un citoyen de sa liberté ne peut être exercé par n’importe quelle instance juridictionnelle. Le Conseil précise ainsi que les dispositions constitutionnelles « s’opposent à ce que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit confié à une juridiction qui ne serait composée que de juges non professionnels ». Cette affirmation protège le justiciable en garantissant que la décision de détention repose sur l’examen de magistrats de carrière. La technicité du droit pénal et la gravité des sanctions requièrent une présence minimale de juges dont le statut assure une indépendance statutaire complète.
B. La limitation nécessaire de la participation des citoyens au jugement
La décision innove en fixant un seuil précis pour la composition des formations correctionnelles de droit commun lorsqu’elles comprennent des citoyens assesseurs. Le Conseil affirme clairement que dans ces juridictions, « la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire » afin de respecter les exigences constitutionnelles. Cette règle garantit que les magistrats professionnels conservent le contrôle effectif de la décision judiciaire et du prononcé des peines. Elle limite l’influence des membres non permanents qui pourraient manquer de l’expérience nécessaire pour apprécier la légalité des poursuites. La présence majoritaire de magistrats de carrière devient ainsi une condition sine qua non de la régularité de la procédure pénale.
Cette exigence de majorité professionnelle renforce la légitimité des sentences rendues par le tribunal correctionnel face aux impératifs de la liberté individuelle. Elle assure une cohérence dans l’application de la loi sur l’ensemble du territoire de la République française malgré les particularités géographiques. Le juge constitutionnel refuse de sacrifier les garanties fondamentales des prévenus sur l’autel des contraintes matérielles ou d’organisation locale des services judiciaires. La protection contre l’arbitraire passe nécessairement par une structure organique où le droit et la procédure sont portés par des techniciens du siège.
II. La mise en conformité de l’organisation judiciaire d’outre-mer
A. L’inconstitutionnalité de la composition du tribunal de Wallis-et-Futuna
Le Conseil constitutionnel constate que le tribunal correctionnel des îles Wallis-et-Futuna constitue une juridiction de droit commun compétente pour connaître de nombreux délits. Cette formation de jugement possède la faculté de prononcer des peines privatives de liberté dans le cadre de ses attributions collégiales ordinaires. Or, le texte contesté prévoyait que ce tribunal soit « composé d’un magistrat du siège et de deux assesseurs » nommés pour deux ans. Une telle répartition confère mathématiquement une majorité de voix aux juges non professionnels lors des délibérés sur la culpabilité ou la peine. Cette structure contrevient directement à la règle de la minorité des assesseurs citoyens édictée précédemment par le juge.
L’absence de garantie législative assurant une prééminence des magistrats de carrière vicie l’ensemble du dispositif applicable dans ce territoire d’outre-mer. Le Conseil relève qu’aucune « disposition législative ne garantit que cette formation de jugement comprend une majorité de juges professionnels » conformément à la Constitution. Cette lacune juridique expose les prévenus à être jugés par une instance dont la composition ne présente pas les garanties organiques minimales. La méconnaissance des exigences découlant de l’article 66 de la Constitution est donc caractérisée sans qu’il soit besoin d’analyser les autres griefs. Le juge prononce en conséquence l’inconstitutionnalité du second alinéa de l’article 836 du code de procédure pénale.
B. La portée immédiate de l’abrogation et le retour au droit commun
La déclaration d’inconstitutionnalité entraîne l’abrogation immédiate de la disposition législative à compter de la date de publication de la décision au Journal officiel. Le Conseil décide que cette mesure « est applicable à toutes les infractions non jugées définitivement » au jour de l’intervention de sa décision. Cette application large vise à préserver les droits des justiciables dont le procès est encore en cours devant les juridictions de Wallis-et-Futuna. Elle empêche le maintien d’une pratique jugée illégale pour les affaires n’ayant pas encore acquis l’autorité de la chose jugée. Le juge constitutionnel exerce ici son pouvoir de modulation des effets dans le temps pour rétablir la légalité répressive.
Pour combler le vide juridique créé par cette abrogation, le Conseil indique la procédure à suivre désormais pour les jugements correctionnels collégiaux. Le tribunal devra siéger selon « la règle prévue par l’article 398 du code de procédure pénale » qui régit le droit commun hexagonal. Cette substitution automatique « garantit que la formation de jugement sera composée d’une majorité de magistrats professionnels » lors des audiences futures. La transition assure la continuité de l’administration de la justice tout en élevant le niveau de protection des libertés publiques locales. Cette décision harmonise ainsi durablement l’organisation judiciaire française en confirmant la primauté du juge de carrière dans le procès pénal.