Le Conseil constitutionnel a rendu, le 22 juillet 2016, une décision importante relative à la proportionnalité des sanctions fiscales en matière de comptes détenus à l’étranger. Saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité le 18 mai 2016, le juge constitutionnel devait examiner la validité d’une amende proportionnelle. Un contribuable contestait le second alinéa du paragraphe IV de l’article 1736 du code général des impôts punissant le défaut de déclaration de comptes bancaires. La disposition prévoyait une amende égale à cinq pour cent du solde créditeur dès lors que ce dernier atteignait cinquante mille euros. Le requérant invoquait une rupture d’égalité devant la loi pénale par rapport aux sanctions prévues par le code monétaire et financier. Le Conseil constitutionnel a toutefois choisi de relever d’office le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines. La question posée consistait à savoir si une amende proportionnelle peut sanctionner un simple manquement déclaratif sans méconnaître l’article 8 de la Déclaration de 1789. Les juges déclarent la disposition contraire à la Constitution car elle instaure une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits réprimés. L’étude de cette décision permet d’analyser la consécration du grief de disproportion manifeste avant d’envisager les conséquences de cette abrogation immédiate.
I. L’affirmation du principe de proportionnalité des sanctions fiscales
A. Le rappel des exigences constitutionnelles en matière répressive
Le Conseil constitutionnel fonde sa décision sur l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 protégeant la nécessité des peines. Cette disposition impose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » pour garantir le respect des libertés fondamentales du citoyen. Si le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le juge s’assure de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction commise et la peine encourue. En l’espèce, l’amende visait à prévenir la dissimulation de revenus à l’étranger pour faciliter l’accès de l’administration fiscale aux informations bancaires nécessaires au contrôle. Cette finalité s’inscrit pleinement dans l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales rappelé par la haute instance juridictionnelle. La sanction doit néanmoins rester corrélée à la gravité intrinsèque du comportement réprimé pour ne pas porter une atteinte excessive au patrimoine des personnes physiques.
B. Le constat d’une disproportion manifeste liée à l’absence de fraude
L’amende de cinq pour cent était encourue « même dans l’hypothèse où les sommes figurant sur ces comptes n’ont pas été soustraites frauduleusement à l’impôt ». Le juge relève que cette sanction proportionnelle s’applique à un simple manquement à une obligation déclarative sans lien direct avec une fraude fiscale caractérisée. En fixant un montant dépendant du solde du compte plutôt que de l’impôt éludé, le législateur a instauré une peine déconnectée du préjudice financier potentiel. Cette déconnexion manifeste conduit le Conseil à censurer la disposition car elle excède ce qui est nécessaire pour assurer le respect des obligations déclaratives annuelles. L’absence de plafond ou de modulation possible selon les circonstances de l’espèce renforce le caractère excessif de la répression exercée par l’administration fiscale française. Cette décision de censure entraîne des effets juridiques immédiats qu’il convient désormais de préciser pour mesurer l’impact réel de la protection accordée aux contribuables.
II. La portée de l’inconstitutionnalité sur l’ordre juridique
A. L’effet immédiat de l’abrogation et la protection des instances en cours
La déclaration d’inconstitutionnalité prononcée par les sages entraîne l’abrogation immédiate de la disposition litigieuse sans aucun report dans le temps de ses effets juridiques. Le Conseil précise que cette décision « est applicable aux amendes prononcées » qui n’ont pas encore donné lieu à un jugement définitif au jour de la publication. Cette solution permet aux contribuables ayant formé une réclamation de bénéficier directement de la protection constitutionnelle contre une amende jugée désormais illégale et manifestement excessive. Le juge constitutionnel exerce ici pleinement sa mission de gardien des droits et libertés en empêchant l’application d’une règle répressive contraire aux principes fondamentaux de 1789. L’abrogation protège ainsi les droits patrimoniaux des requérants tout en rappelant au législateur les limites de son pouvoir en matière de définition des sanctions administratives.
B. La remise en cause de l’automaticité des amendes fiscales proportionnelles
Cette décision souligne la fragilité des sanctions proportionnelles qui ne permettent pas au juge ou à l’administration de moduler la peine selon la gravité. Le législateur doit désormais veiller à ce que les amendes réprimant des obligations de pure forme ne présentent pas un caractère confiscatoire pour les contribuables concernés. La lutte contre l’évasion fiscale demeure légitime mais elle ne saurait justifier l’emploi de moyens de coercition dont la rigueur dépasse l’objectif recherché initialement. La jurisprudence invite ainsi à une meilleure articulation entre la nature de l’infraction et le quantum de la peine pour assurer une cohérence globale du système. Cette protection renforcée du contribuable oblige l’État à repenser ses outils de répression pour garantir une justice fiscale respectueuse des principes de nécessité et de proportionnalité.