Le Conseil constitutionnel a rendu, le 22 juillet 2016, une décision relative à la conformité des articles 1729 et 1741 du code général des impôts. Cette question prioritaire de constitutionnalité interroge la possibilité de cumuler des sanctions fiscales et pénales pour une même dissimulation volontaire de sommes sujettes à l’impôt. Un contribuable contestait la double répression administrative et judiciaire en invoquant le principe de nécessité des délits et des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration de 1789. La chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis cette interrogation par un arrêt rendu le 19 mai 2016. Le requérant soutient que l’application combinée de ces dispositions porte atteinte à la règle de proportionnalité en raison de la nature identique des faits reprochés. Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées sont conformes à la Constitution sous plusieurs réserves d’interprétation déjà énoncées dans sa jurisprudence antérieure.
I. La validation du principe de double répression fiscale et pénale
A. L’autonomie constitutionnelle des ordres de poursuites Les sages rappellent que le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits fassent l’objet de poursuites différentes. Cette dualité permet d’engager des sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts pour protéger les intérêts financiers publics. La juridiction énonce que « les mêmes faits commis par une même personne » peuvent légalement donner lieu à ce cumul de procédures sans méconnaître la Constitution. Cette solution confirme l’indépendance des poursuites exercées par l’administration fiscale et par l’autorité judiciaire contre un même contribuable indélicat.
B. La finalité répressive commune aux procédures fiscales Les articles 1729 et 1741 du code général des impôts visent à réprimer les insuffisances volontaires de déclaration par des amendes et des peines d’emprisonnement. La première disposition prévoit une majoration de quarante ou quatre-vingts pour cent en cas de manquement délibéré ou de manœuvres frauduleuses constatées par l’administration. La seconde sanctionne pénalement quiconque s’est « frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire » à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts exigibles. Ces deux régimes de sanctions concourent ensemble à la lutte contre l’évasion fiscale tout en respectant les exigences de l’article 8 de la Déclaration de 1789.
II. L’encadrement du cumul des peines par les réserves d’interprétation
A. Le plafonnement global des sanctions encourues Le Conseil constitutionnel précise que le principe de proportionnalité implique une limitation stricte du montant cumulé des sanctions pécuniaires prononcées contre le contribuable fautif. Il affirme que « le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues » légalement. Cette réserve de constitutionnalité interdit aux autorités d’imposer une charge financière totale manifestement excessive par rapport à la gravité des manquements commis par le justiciable. Le juge pénal doit ainsi tenir compte des sanctions fiscales déjà infligées pour garantir le respect de cet impératif de proportionnalité lors du prononcé.
B. La limitation des poursuites pénales aux cas les plus graves La décision renvoie explicitement aux motifs de sa jurisprudence antérieure pour restreindre la possibilité d’engager des poursuites pénales en sus des sanctions administratives. Le cumul de procédures n’est jugé conforme qu’à la condition que la répression pénale s’applique uniquement aux dissimulations les plus graves du contribuable concerné. Cette gravité s’apprécie au regard de l’importance des sommes soustraites à l’impôt, de la nature des agissements ou des circonstances particulières de la cause fiscale. Les juges protègent ainsi le principe de nécessité des peines en évitant une accumulation systématique de sanctions pour des manquements de moindre importance juridique.