Conseil constitutionnel, Décision n° 2016-579 QPC du 5 octobre 2016

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 5 octobre 2016, s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de dispositions régissant le personnel d’un établissement financier public. La question prioritaire de constitutionnalité portait sur l’article 34 de la loi du 28 mai 1996 relatif à la désignation de délégués syndicaux communs.

Une institution financière publique emploie des agents de droit public et des agents contractuels de droit privé placés sous le régime des conventions collectives. À l’occasion d’un litige, une question de constitutionnalité fut soulevée concernant l’habilitation de l’employeur à conclure des accords dérogeant au code du travail. La chambre sociale de la Cour de cassation a transmis cette question au Conseil constitutionnel par un arrêt rendu le 6 juillet 2016. Les requérants soutenaient que le législateur avait méconnu sa propre compétence en déléguant excessivement le pouvoir de définir les critères de représentativité syndicale.

Le législateur peut-il autoriser des dérogations aux règles d’ordre public de la représentativité syndicale sans définir précisément l’objet et les conditions de ces dérogations ? Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions contestées pour méconnaissance de l’article 34 de la Constitution et du huitième alinéa du Préambule de 1946. L’analyse portera d’abord sur la consécration de l’incompétence négative du législateur avant d’étudier les conséquences juridiques et temporelles de cette déclaration d’inconstitutionnalité.

I. La consécration de l’incompétence négative du législateur en matière de représentativité syndicale

A. L’identification d’une habilitation législative imprécise

Le juge constitutionnel relève d’abord que les dispositions litigieuses permettaient la conclusion d’accords collectifs portant sur la désignation et les compétences de délégués communs. Selon la décision, ces textes autorisent à déroger aux « règles d’ordre public édictées par le législateur en matière de représentativité syndicale ». Or, le Conseil souligne que l’article 34 de la Constitution confie au seul législateur la détermination des principes fondamentaux du droit du travail. La Haute Juridiction estime ici que le texte ne fixe pas suffisamment les garanties indispensables à la mise en œuvre des droits des travailleurs.

B. La sanction de la méconnaissance du domaine de la loi

La décision affirme que le législateur doit « définir d’une façon précise l’objet et les conditions » de toute dérogation à une règle d’ordre public. Le Conseil constitutionnel constate que la loi n’avait pas déterminé l’étendue des attributions reconnues aux délégués en matière de négociation collective. Cette carence législative constitue une incompétence négative affectant directement le principe constitutionnel de participation des travailleurs à la gestion de l’entreprise. En conséquence, le juge déclare les mots contestés contraires à la Constitution pour protéger l’intégrité du domaine réservé à la loi.

II. Les conséquences juridiques et temporelles de la déclaration d’inconstitutionnalité

A. La protection du droit à la détermination collective des conditions de travail

Le huitième alinéa du Préambule de 1946 garantit que tout travailleur participe à la détermination collective de ses conditions de travail par ses délégués. Cette exigence constitutionnelle impose au législateur de ne pas abandonner aux seuls partenaires sociaux le soin de définir les critères de représentativité. La décision renforce ainsi la protection des salariés en exigeant un cadre législatif rigoureux pour toute structure de représentation syndicale spécifique. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à limiter les délégations de pouvoirs normatifs non encadrées par la loi.

B. Le report de l’abrogation au service de la continuité de la représentation syndicale

Le Conseil constitutionnel utilise son pouvoir de modulation des effets de l’abrogation conformément au deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution. Il considère qu’une abrogation immédiate supprimerait toute représentation syndicale commune au sein de l’établissement, créant ainsi un vide juridique préjudiciable. Pour éviter ces conséquences excessives, les juges décident que « l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de supprimer toute représentation syndicale commune ». La date de fin de validité des textes est donc reportée au 31 décembre 2017 pour permettre au législateur d’intervenir.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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