Le Conseil constitutionnel a rendu le 14 octobre 2016 une décision relative à la conformité de l’article 706-153 du code de procédure pénale. Cette disposition autorise la saisie de biens incorporels durant l’enquête ou l’information judiciaire pour assurer l’exécution d’une éventuelle peine de confiscation. Des sociétés ont subi de telles mesures et ont soulevé des questions prioritaires de constitutionnalité concernant la légalité de cette procédure patrimoniale. La chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis ces interrogations par des arrêts du 12 juillet 2016 au secrétariat du Conseil constitutionnel. Les requérantes soutenaient que l’absence de débat contradictoire et d’effet suspensif sur l’appel portait atteinte au droit de propriété et au recours effectif. Le problème juridique portait sur la proportionnalité de ces restrictions procédurales au regard des garanties fondamentales offertes aux propriétaires de biens saisis. Le Conseil a déclaré l’article conforme à la Constitution en relevant les garanties judiciaires entourant systématiquement la mise en œuvre de cette mesure. L’analyse portera d’abord sur l’aménagement proportionné de l’atteinte au droit de propriété avant d’examiner la conciliation entre efficacité pénale et droits de la défense.
I. L’aménagement proportionné de l’atteinte au droit de propriété
A. Une restriction patrimoniale fondée sur l’intérêt général
Le Conseil rappelle que la propriété est un droit inviolable dont les restrictions doivent être « justifiées par un motif d’intérêt général ». La saisie de biens incorporels rend ces actifs indisponibles mais elle poursuit l’objectif légitime de garantir l’efficacité des peines de confiscation ultérieures. Cette mesure ne constitue pas une privation de propriété car elle ne transfère pas définitivement la possession du bien à l’État sans condamnation. Le législateur a instauré une sauvegarde nécessaire pour prévenir la dissipation des avoirs criminels durant le temps des investigations judiciaires ou policières.
B. La garantie organique par l’intervention d’un magistrat du siège
La protection du droit de propriété repose sur l’intervention systématique d’un magistrat indépendant pour ordonner ou autoriser la saisie des biens. Le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction doit rendre une ordonnance motivée pour valider cet acte de procédure. Cette exigence assure que l’atteinte au patrimoine reste « proportionnée à l’objectif poursuivi » sous le contrôle permanent d’une autorité judiciaire impartiale. L’équilibre ainsi trouvé permet de concilier la protection des libertés individuelles avec les impératifs de la lutte contre la grande délinquance financière.
II. La conciliation entre efficacité pénale et droits de la défense
A. La validité de l’absence de caractère contradictoire et suspensif
Les requérantes critiquaient l’absence de débat contradictoire préalable devant le juge ayant ordonné la saisie de leurs actifs ou droits incorporels. Le Conseil estime pourtant que le législateur a entendu « éviter que le propriétaire… puisse mettre à profit les délais… pour faire échec à la saisie ». L’effet de surprise est indispensable pour garantir l’indisponibilité réelle des fonds avant toute tentative de dissimulation frauduleuse des avoirs sous main de justice. L’absence d’effet suspensif attaché à l’appel répond à cette même nécessité d’efficacité opérationnelle durant les phases préliminaires de la procédure répressive.
B. L’existence de voies de recours effectives a posteriori
Le droit au recours est assuré par la possibilité de contester l’ordonnance devant la chambre de l’instruction dans un délai de dix jours. Les propriétaires et les tiers ayant des droits peuvent « être entendus par la chambre de l’instruction » avant qu’elle ne statue sur la contestation. Bien que la loi soit silencieuse, le Conseil précise que « le juge devant toujours statuer dans un délai raisonnable » sur cet appel. Ce contrôle différé permet de vérifier la légalité de la mesure tout en offrant des garanties sérieuses aux personnes intéressées par la cause.