Par une décision n° 2016-608 QPC du 24 janvier 2017, le Conseil constitutionnel a examiné la validité de l’article 434-35 du code pénal. Cette disposition punissait d’un an d’emprisonnement la communication non autorisée avec une personne détenue, renvoyant la définition des exceptions au règlement. La requérante, faisant l’objet de poursuites pénales, contestait la précision de cette incrimination au regard des exigences de la légalité des délits. La Cour de cassation a transmis le 19 octobre 2016 cette question prioritaire de constitutionnalité pour permettre le contrôle de la norme. Les griefs invoqués soulignaient une atteinte disproportionnée à la liberté de communication ainsi qu’une méconnaissance par le législateur de sa propre compétence. Le problème juridique consistait à déterminer si le législateur peut déléguer au pouvoir réglementaire la définition d’une infraction sans fixer de cadre précis. La juridiction constitutionnelle censure la disposition en rappelant que la loi doit fixer elle-même les règles concernant la détermination des infractions pénales. L’examen du respect du principe de légalité des délits précédera l’analyse de la protection des droits fondamentaux face à l’incompétence législative.
I. La consécration du principe de légalité des délits face à l’imprécision législative
A. L’exigence de définition claire des incriminations pénales
Le Conseil constitutionnel fonde sa décision sur l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce texte impose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » pour garantir la liberté individuelle. Le législateur doit alors « définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire ». Cette exigence de clarté normative permet au justiciable de connaître précisément les comportements prohibés ainsi que les sanctions pénales encourues. La précision de la loi constitue une garantie essentielle contre l’exercice d’un pouvoir répressif disproportionné ou imprévisible par les autorités. L’absence de cadre législatif précis fragilise cependant cette garantie fondamentale lorsque le pouvoir exécutif se substitue irrégulièrement au législateur.
B. La sanction de la délégation excessive au pouvoir réglementaire
L’article 434-35 du code pénal déléguait au règlement le soin de fixer les exceptions à l’interdiction générale de communiquer. Les juges constitutionnels relèvent que le législateur « s’en est remis en l’espèce au pouvoir réglementaire pour déterminer la portée du délit ». Cette délégation s’exerçait « sans préciser les motifs pouvant justifier ces autorisations ni en définir le cadre » juridique nécessaire. Le législateur a ainsi méconnu l’étendue de sa compétence constitutionnelle en ne fixant pas lui-même le champ d’application de la répression. Une telle incompétence négative entraîne mécaniquement une violation caractérisée du principe de légalité des délits et des peines. Cette défaillance du pouvoir législatif impacte l’exercice effectif des libertés individuelles dont le contrôle rigoureux par le juge demeure indispensable.
II. La protection des droits fondamentaux par le contrôle de l’incompétence négative
A. L’insuffisance des garanties entourant la communication avec les détenus
Le Conseil constitutionnel souligne que la communication avec les détenus peut être encadrée par le législateur selon les contraintes de détention. Néanmoins, la prérogative conférée au règlement était « susceptible d’être exercée indépendamment des dispositions législatives » préexistantes au sein du code pénal. L’absence de motifs légaux encadrant les autorisations de communiquer portait une atteinte disproportionnée à la liberté de communication et à la vie privée. La protection de ces droits exige une intervention directe du législateur pour fixer des limites strictes et prévisibles à l’autorité administrative. Le constat de cette inconstitutionnalité conduit enfin la juridiction à se prononcer sur les modalités temporelles de l’abrogation de la norme.
B. La portée de l’abrogation immédiate de la disposition litigieuse
La décision déclare contraires à la Constitution les mots « ainsi que de communiquer par tout moyen avec une personne détenue ». En vertu de l’article 62 de la Constitution, la disposition est abrogée à compter de la publication de la décision au Journal officiel. Le Conseil constitutionnel précise qu’« aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité » dans le temps. L’abrogation immédiate bénéficie directement à la requérante et s’applique aux instances judiciaires qui sont encore en cours à cette date. Cette solution renforce la primauté de la Constitution et impose au législateur de réviser rapidement le cadre juridique des communications carcérales.