Conseil constitutionnel, Décision n° 2016-620 QPC du 30 mars 2017

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 30 mars 2017, une décision relative à la conformité aux droits et libertés de la taxe sur la publicité télévisée. Un éditeur de services de télévision contestait l’inclusion des sommes versées aux régisseurs publicitaires dans l’assiette de son imposition annuelle.

Le Conseil d’État a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité le 23 décembre 2016, après avoir examiné le caractère sérieux du moyen soulevé. La société requérante soutenait que la taxe méconnaissait le principe d’égalité devant les charges publiques en étant assise sur des sommes perçues par des tiers. Elle affirmait que cette imposition était établie sans tenir compte des facultés contributives réelles de ses redevables, contrairement aux exigences constitutionnelles.

Le juge constitutionnel devait déterminer si l’inclusion de revenus non perçus par le contribuable dans sa base d’imposition respectait l’article 13 de la Déclaration. Le Conseil censure les dispositions litigieuses car l’imposition « doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource ». L’analyse portera d’abord sur l’exigence constitutionnelle de corrélation entre l’assiette et les facultés, puis sur la sanction d’une assiette déconnectée de la réalité économique.

I. L’exigence de corrélation entre l’assiette fiscale et les facultés contributives

A. Le fondement constitutionnel de la répartition de la contribution commune L’article 13 de la Déclaration de 1789 dispose que la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Le législateur détermine les règles d’appréciation de ces capacités, mais il doit impérativement se fonder sur des « critères objectifs et rationnels » selon les buts poursuivis. Le juge rappelle que cette liberté de choix ne saurait entraîner une rupture caractérisée de l’égalité entre les citoyens devant les charges de l’État. La protection constitutionnelle impose donc une vérification stricte de la cohérence entre l’objet de l’impôt et la situation financière réelle de la personne assujettie.

B. La condition de disposition effective des revenus imposés La prise en compte des facultés contributives implique qu’une imposition « doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource ». Le Conseil constitutionnel pose ici une règle fondamentale limitant la liberté du pouvoir législatif dans la définition de la matière imposable au sein du code. Des dérogations restent possibles pour lutter contre la fraude fiscale, à la condition qu’elles soient strictement « adaptées et proportionnées » à l’objectif de valeur constitutionnelle. L’appréciation souveraine du juge porte ainsi sur la réalité du profit tiré par le redevable, excluant toute fiction juridique manifestement déconnectée de la richesse produite.

II. La sanction d’une assiette fiscale déconnectée de la réalité économique

A. L’inconstitutionnalité de l’imposition de revenus perçus par des tiers Les dispositions contestées incluaient dans l’assiette de la taxe les sommes versées par les annonceurs « ou aux régisseurs de messages publicitaires » sans distinction aucune. Ce mécanisme avait pour effet direct de « soumettre un contribuable à une imposition dont l’assiette inclut des revenus dont il ne dispose pas » réellement. En imposant l’éditeur sur des montants perçus par un tiers indépendant, le législateur a méconnu les exigences élémentaires résultant de l’article 13 de la Déclaration. La décision souligne le caractère automatique de cet assujettissement, appliqué par le texte « dans tous les cas et quelles que soient les circonstances » de fait.

B. L’application immédiate de la déclaration d’inconstitutionnalité Le Conseil constitutionnel déclare les mots contestés contraires à la Constitution et prononce leur abrogation dès la date de publication de sa décision au Journal officiel. Cette abrogation bénéficie immédiatement à l’auteur de la question prioritaire et s’applique aux instances judiciaires en cours à la date de l’intervention du juge. Le juge précise néanmoins que cette décision « ne peut être invoquée à l’encontre des impositions qui n’ont pas été contestées » avant cette publication officielle. Cette réserve préserve la sécurité juridique des situations passées tout en restaurant la conformité du dispositif fiscal aux principes protecteurs des droits fondamentaux des contribuables.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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