Conseil constitutionnel, Décision n° 2016-728 DC du 3 mars 2016

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 3 mars 2016, une décision marquante concernant le respect des règles de procédure lors de l’adoption d’un texte législatif. Les auteurs de la saisine ont contesté la validité de plusieurs articles d’une loi portant sur le droit des étrangers, invoquant l’absence de lien direct. Ces dispositions furent insérées par voie d’amendement lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, soulevant la question de la sincérité des débats parlementaires. La question posée au juge constitutionnel consistait à déterminer si des adjonctions introduites tardivement respectaient l’économie de l’article 45 de la Constitution. La haute instance censure le paragraphe VII de l’article 20 tout en validant le paragraphe II de l’article 40 selon l’existence d’une relation directe. L’analyse se portera sur la sanction des cavaliers législatifs avant d’examiner les critères de validation des amendements présentant une connexité matérielle suffisante.

I. L’exigence de célérité procédurale face aux cavaliers législatifs

A. La consécration de la règle de l’entonnoir constitutionnel

L’article 45 de la Constitution impose un examen successif des textes par les deux assemblées afin de parvenir à l’adoption d’un texte strictement identique. Le Conseil constitutionnel rappelle que les modifications apportées après la première lecture « doivent être en relation directe avec une disposition restant encore en discussion ». Cette règle fondamentale, dite de l’entonnoir, vise à empêcher l’introduction de mesures étrangères à l’objet initial du projet de loi lors des navettes. Seules les exceptions relatives au respect de la Constitution, à la coordination des textes ou à la correction d’erreurs matérielles permettent de déroger à cette obligation. L’application rigoureuse de ce principe garantit que le droit d’amendement ne soit pas utilisé pour contourner les étapes normales du processus législatif.

B. L’irrecevabilité d’un ajout dépourvu de lien direct

En l’espèce, le paragraphe VII de l’article 20 modifiait le code du service national pour ouvrir le contrat de service civique à certains ressortissants étrangers. Le Conseil constitutionnel relève que ces dispositions, « introduites en nouvelle lecture, ne présentaient pas de lien direct avec une disposition restant en discussion » au sein du texte. Elles ne visaient ni à assurer le respect de la norme suprême, ni à opérer une simple coordination nécessaire avec d’autres dispositions législatives. Cette absence manifeste de connexité entraîne la déclaration d’inconstitutionnalité de la mesure, qualifiée classiquement de cavalier législatif par la jurisprudence constante. La sanction protège ainsi la cohérence du travail parlementaire en écartant les mesures qui n’auraient pas été suffisamment débattues par les deux chambres.

II. La souplesse mesurée du contrôle de la recevabilité des amendements

A. La reconnaissance d’une connexité matérielle suffisante

Le juge constitutionnel adopte une approche distincte concernant le paragraphe II de l’article 40, lequel abrogeait certaines mesures relatives à l’assignation à résidence surveillée. Il constate que ces adjonctions étaient, au stade de la procédure, « en relation directe avec les dispositions du paragraphe I de l’article 40 » du projet. Cette partie du texte modifiait déjà les conditions de l’assignation à résidence prévue par le code de l’entrée et du séjour des étrangers. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de la procédure d’adoption est écarté en raison du lien thématique étroit unissant l’amendement aux dispositions initiales. Cette validation démontre que le Conseil constitutionnel n’exerce pas une censure automatique mais apprécie concrètement la portée de chaque modification législative.

B. La préservation de l’équilibre des pouvoirs législatifs

Cette dualité de solution souligne la volonté du juge de protéger le droit d’amendement tout en sanctionnant les détournements de la procédure législative ordinaire. Le contrôle exercé garantit que le Parlement ne puisse introduire des réformes de manière subreptice sans un examen complet par les deux chambres de l’institution. La décision du 3 mars 2016 confirme ainsi une jurisprudence protectrice de la clarté et de la loyauté des débats, essentielles au fonctionnement démocratique. Les juges veillent à ce que l’efficacité du travail législatif ne s’exerce jamais au détriment de la qualité juridique et de la cohérence des textes. La pérennité de cette règle assure la stabilité des normes tout en respectant les prérogatives des membres des assemblées.

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Hassan KOHEN
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