Conseil constitutionnel, Décision n° 2016-740 DC du 8 décembre 2016

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 8 décembre 2016, une décision fondamentale relative à la compétence du Défenseur des droits pour les lanceurs d’alerte. Cette loi organique visait à renforcer la protection de ces acteurs essentiels de la transparence publique en confiant de nouvelles missions à l’autorité constitutionnelle indépendante. Le Premier ministre a saisi les sages de la rue de Montpensier afin d’examiner la conformité de ce texte avant sa promulgation définitive. La question centrale résidait dans l’étendue des attributions que le législateur organique peut déléguer au Défenseur des droits sans méconnaître l’article 71-1 de la Constitution. Le Conseil valide les missions d’orientation et de veille juridique mais censure fermement la possibilité d’octroyer une aide financière directe aux signalants. L’analyse portera d’abord sur la reconnaissance de la mission d’orientation avant d’étudier la délimitation stricte des compétences financières de l’institution.

**I. La consécration de la mission d’orientation et de veille juridique**

*A. Le rattachement fonctionnel de l’alerte à la lutte contre les discriminations*

Le Conseil admet que le législateur organique peut charger le Défenseur des droits d’orienter les personnes signalant une alerte vers les autorités compétentes. Cette décision se fonde sur le constat que « les lanceurs d’alerte courent le risque d’être discriminés par l’organisme faisant l’objet de leur signalement ». Les juges constitutionnels considèrent ainsi que cette nouvelle mission s’inscrit dans le cadre plus large de la lutte contre les discriminations. L’aide à l’identification des procédures adaptées participe directement à la mission originelle de protection des droits et libertés par les administrations. Cette orientation garantit l’effectivité du signalement tout en sécurisant le parcours juridique de celui qui s’expose à des mesures de rétorsion professionnelles.

*B. La protection renforcée des lanceurs d’alerte contre les mesures de rétorsion*

L’article unique de la loi organique prévoit également que nul ne peut subir de représailles pour avoir saisi cette autorité administrative indépendante. Le Conseil constitutionnel juge ces dispositions conformes car elles visent à « veiller aux droits et libertés de cette personne » dans l’exercice de son alerte. Cette protection contre les mesures de rétorsion assure l’indépendance de l’institution et la confiance des citoyens envers les mécanismes de médiation institutionnelle. Le législateur organique a donc exercé sa compétence dans les limites permises pour assurer la sauvegarde des libertés individuelles fondamentales. Ces ajouts modifient opportunément la loi organique du 29 mars 2011 sans en dénaturer le fonctionnement global au profit de l’intérêt général.

**II. La sanction constitutionnelle du dépassement des compétences budgétaires**

*A. Une interprétation rigoureuse du périmètre de l’article 71-1 de la Constitution*

Le juge constitutionnel affirme que la mission de veiller au respect des droits « ne comporte pas celle d’apporter lui-même une aide financière ». Cette décision repose sur une lecture littérale et stricte des dispositions de l’article 71-1 issues de la révision constitutionnelle de 2008. Le Défenseur des droits ne saurait se transformer en un organisme de prestation sociale ou de secours financier au profit de catégories spécifiques de citoyens. Le législateur organique a donc méconnu les limites de la compétence conférée par la Constitution en prévoyant une telle aide pécuniaire. L’indépendance de l’autorité pourrait se trouver compromise si elle devait gérer des fonds de soutien financier sans cadre constitutionnel explicite et préalable.

*B. Le maintien de l’équilibre institutionnel face à la tentation de l’omnipotence*

En censurant les mots « et, en tant que de besoin, de lui assurer une aide financière ou un secours financier », le Conseil protège la pureté de l’institution. Le rôle du Défenseur des droits doit rester celui d’un organe de contrôle et de veille plutôt que celui d’un ordonnateur de dépenses publiques. La protection des lanceurs d’alerte doit s’opérer par des moyens juridiques et institutionnels conformes aux missions historiques de cette autorité administrative. Cette décision rappelle utilement que le législateur ne peut étendre indéfiniment le champ d’action d’une autorité constitutionnelle sans modifier le texte suprême. Le Conseil préserve ainsi la cohérence du système juridique en évitant toute confusion entre les missions de protection des droits et l’assistance matérielle.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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