Le juge constitutionnel a rendu, le 29 décembre 2016, une décision majeure relative à la loi de finances pour l’année suivante. Cette décision n° 2016-744 DC fait suite à la saisine par des parlementaires contestant la conformité de plusieurs réformes fiscales. Les requérants critiquaient notamment la sincérité du budget, l’instauration du prélèvement à la source et le plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune. La procédure respecte les délais fixés pour l’examen des textes budgétaires avant leur promulgation officielle par le chef de l’État. Les parlementaires affirmaient que l’intégration de revenus théoriques dans le calcul de l’impôt portait atteinte aux facultés contributives des citoyens. Ils dénonçaient également l’existence de sanctions pécuniaires excessives et l’introduction de dispositions étrangères à la matière financière au sein du texte. Le problème juridique repose sur la conciliation entre les prérogatives budgétaires du législateur et la protection constitutionnelle des libertés individuelles et économiques. Le Conseil valide l’essentiel de la loi mais censure les articles entachés d’incompétence négative ou de disproportion manifeste dans les peines. Cette analyse portera d’abord sur l’encadrement des mesures fiscales au regard de l’égalité (I), puis sur le contrôle de la proportionnalité des sanctions et de la procédure (II).
I. L’encadrement des mesures fiscales au regard de l’égalité et de la compétence
A. La protection des facultés contributives dans le plafonnement de l’imposition
Le juge précise les limites de l’optimisation fiscale concernant le mécanisme de plafonnement de l’impôt sur le capital. L’article sept visait à réintégrer les revenus distribués à une société contrôlée si le montage visait principalement à éluder l’impôt. Le Conseil émet une réserve d’interprétation stricte pour garantir que la taxation repose sur des capacités financières réelles. L’administration doit démontrer que les dépenses du contribuable sont assurées de manière artificielle par la structure sociétaire contrôlée. Le texte ne saurait intégrer « des sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ». Cette protection évite que l’impôt ne frappe des richesses dont le citoyen n’a pas eu la disposition effective. Elle rappelle l’importance de l’article treize de la Déclaration des droits de l’homme sur la répartition équitable des charges publiques.
B. La sanction de l’incompétence négative et la validation du prélèvement à la source
Le respect de l’article trente-quatre de la Constitution impose au législateur d’épuiser sa propre compétence en fixant l’assiette fiscale. L’article soixante-dix-huit permettait à l’administration de choisir arbitrairement les contribuables soumis à l’impôt sur les sociétés lors d’un contrôle. Cette faculté de « subordonner l’assujettissement à l’impôt à la décision de l’administration » constitue une incompétence négative caractérisée. À l’inverse, le prélèvement à la source est validé car les critères de modulation du taux sont jugés suffisamment précis. L’atteinte à la vie privée demeure proportionnée à l’objectif d’intérêt général visant un recouvrement efficace des recettes publiques. Le législateur a prévu des options permettant aux salariés de préserver la confidentialité de leur situation fiscale globale envers l’employeur. Le contrôle des principes matériels se complète par une vérification rigoureuse des modalités d’exercice du pouvoir répressif et procédural.
II. Le contrôle de la proportionnalité des sanctions et de la régularité de la loi
A. La censure des amendes fiscales manifestement excessives
La protection des libertés économiques implique un contrôle vigilant de la nécessité et de la proportionnalité des sanctions administratives. L’article cent-cinq prévoyait une amende de un pour cent pour défaut de signalement électronique de certaines transactions commerciales importantes. Le juge estime que cette amende proportionnelle non plafonnée constitue une « sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits ». La sévérité de la peine ne tient pas compte de la bonne foi éventuelle de l’assujetti lors de l’échange commercial. Cette censure rappelle que les obligations déclaratives ne doivent pas donner lieu à des punitions automatiques sans lien avec la fraude. Le législateur doit veiller à ce que la répression pécuniaire reste en adéquation avec le trouble causé à l’ordre public. L’absence de plafond renforce le caractère arbitraire d’une mesure touchant des montants de transactions potentiellement très élevés.
B. La préservation de la pureté budgétaire contre les dispositions étrangères
La régularité de la loi de finances dépend du respect scrupuleux du domaine de compétence défini par la loi organique. Le Conseil écarte systématiquement les dispositions qui « ne trouvent pas leur place dans une loi de finances ». L’article cent-trente-trois relatif aux surfaces de bureaux est censuré car il modifie indirectement le contenu des lois budgétaires. D’autres mesures concernant les agents publics ou les objets de collection sont également déclarées contraires à la Constitution. Cette protection prévient l’usage de la procédure budgétaire accélérée pour adopter des réformes sans lien avec l’équilibre financier annuel. Le juge constitutionnel garantit ainsi la clarté et la sincérité du débat parlementaire sur les ressources et les charges. La décision affirme la supériorité de la Constitution sur les velléités d’introduire des réformes structurelles par des vecteurs législatifs inadaptés.