Conseil constitutionnel, Décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 26 janvier 2017, une décision majeure portant sur la conformité à la Constitution de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté. Cette saisine, effectuée par de nombreux députés et sénateurs, interrogeait la validité de diverses dispositions touchant au logement, à l’éducation et aux libertés publiques. Les requérants critiquaient tant la procédure d’adoption législative que le fond de certaines mesures jugées attentatoires aux principes constitutionnels. Les juges devaient ainsi arbitrer entre les objectifs de mixité sociale poursuivis par le législateur et la protection effective des droits fondamentaux. Le Conseil a prononcé l’inconstitutionnalité de plusieurs articles, censurant notamment des cavaliers législatifs et des atteintes disproportionnées à la liberté d’expression. L’examen des motifs conduit à analyser d’abord la protection des libertés individuelles avant d’étudier l’encadrement des compétences des collectivités territoriales.

I. La conciliation rigoureuse entre l’encadrement législatif et les libertés fondamentales

A. L’exigence de précision dans l’atteinte à la liberté d’enseignement

L’article 39 de la loi habilitait le Gouvernement à instaurer un régime d’autorisation préalable pour l’ouverture des établissements privés d’enseignement scolaire. Le Conseil constitutionnel rappelle que « la liberté de l’enseignement constitue l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Cette liberté ne peut être limitée que par des dispositions législatives précises et justifiées par des motifs d’intérêt général clairs. Or, le législateur n’avait pas suffisamment défini les finalités des mesures ni les motifs de refus d’autorisation administrative. L’insuffisance de précision de l’habilitation méconnaît les exigences de l’article 38 de la Constitution et entraîne la censure de la disposition. Cette rigueur assure que l’administration ne dispose pas d’un pouvoir arbitraire sur une liberté constitutionnellement garantie. Le respect de la procédure législative s’accompagne également d’un contrôle strict des limites imposées à la parole publique.

B. La protection de la liberté d’expression face à la répression du négationnisme

La décision examine la constitutionnalité de la répression de la négation ou de la banalisation de crimes n’ayant pas fait l’objet d’une condamnation. Le Conseil affirme que la liberté d’expression est « une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ». Le législateur ne peut réprimer la négation de crimes que si cette interdiction est nécessaire et proportionnée à l’objectif de sauvegarde de l’ordre public. En l’espèce, la loi imposait au juge de se prononcer sur l’existence de crimes sans qu’une juridiction compétente ne les ait préalablement qualifiés. Cette incertitude sur la licéité des propos constitue une atteinte disproportionnée à l’exercice de la libre communication des pensées. La protection des droits individuels se double d’une analyse des prérogatives locales en matière de solidarité nationale.

II. L’encadrement des compétences locales au service de la mixité sociale

A. La validation des mécanismes de contrainte en matière de logement social

Le législateur a renforcé les obligations des communes concernant la production de logements sociaux pour favoriser l’égalité des chances et la mixité sociale. L’article 97 modifie les critères d’assujettissement au taux minimal de logements locatifs afin de recentrer le dispositif sur les territoires en forte tension. Les juges estiment que « le législateur peut assujettir les collectivités territoriales à des obligations répondant à des fins d’intérêt général ». Ces mesures, incluant des prélèvements financiers accrus, ne sont pas jugées manifestement inappropriées aux objectifs de solidarité nationale poursuivis par le Parlement. Le principe de libre administration des collectivités territoriales n’est pas méconnu dès lors que les contraintes restent définies avec précision. La validité de ces prélèvements demeure toutefois subordonnée à la préservation des capacités financières réelles des institutions locales.

B. La sanction de l’entrave financière excessive à la libre administration

L’article 100 de la loi prévoyait la suppression de la dotation de solidarité urbaine pour les communes faisant l’objet d’une procédure de carence. Le Conseil constitutionnel relève que cette mesure s’appliquait sans plafonnement et pouvait priver les collectivités d’une part substantielle de leurs recettes de fonctionnement. Une telle sanction restreint les ressources des communes « au point d’entraver leur libre administration et ainsi de méconnaître l’article 72 de la Constitution ». Le juge constitutionnel protège ainsi l’autonomie financière locale contre des mécanismes de punition automatique qui compromettraient l’exercice des missions de service public. La décision rappelle que l’intérêt général de la mixité sociale ne saurait justifier l’asphyxie budgétaire des entités décentralisées les plus fragiles. Le Conseil maintient ainsi un équilibre nécessaire entre l’affirmation des politiques nationales de solidarité et le respect du pluralisme institutionnel.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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