Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2017-638 QPC du 16 juin 2017, se prononce sur la conformité de l’article 150-0 B du code général des impôts. Cette disposition régit les conditions précises du sursis d’imposition lors d’opérations d’échanges de titres avec le versement d’une soulte.
Un contribuable a réalisé une telle opération financière mais s’est vu refuser le bénéfice du sursis prévu par la loi fiscale française. La règle exclut cet avantage particulier lorsque le montant de la soulte dépasse dix pour cent de la valeur nominale des titres reçus.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’État le 21 avril 2017, le requérant conteste formellement la validité de cette limite légale. Il invoque une méconnaissance caractérisée des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par la Déclaration de 1789.
Le litige porte sur le point de savoir si le législateur peut fixer un seuil rigide fondé uniquement sur la valeur nominale des titres. La question interroge la validité d’un critère faisant abstraction de la valeur vénale réelle ou de l’existence d’une prime d’émission.
Le Conseil constitutionnel décide que les dispositions législatives contestées par le requérant sont pleinement conformes à l’ensemble des exigences constitutionnelles actuelles. Les juges considèrent que le critère retenu par le législateur repose sur des bases objectives en rapport avec l’objectif d’intérêt général poursuivi.
**I. La validation d’un critère de distinction objectif et rationnel**
**A. La poursuite d’un objectif d’intérêt général lié à l’évasion fiscale**
Le Conseil constitutionnel relève que le sursis d’imposition vise à favoriser les restructurations d’entreprises par des opérations d’échanges de titres. Ce mécanisme permet de ne pas taxer immédiatement une plus-value latente tant que le contribuable ne dispose pas encore de liquidités effectives.
Toutefois, le législateur a voulu « éviter, au nom de la lutte contre l’évasion fiscale, que bénéficient d’un tel sursis d’imposition » certaines opérations spécifiques. Le refus concerne les échanges dégageant une proportion significative de liquidités au profit du contribuable lors de la réalisation de la transaction.
La soulte constitue une part de numéraire qui modifie substantiellement la nature de l’opération d’échange initialement prévue par les différentes parties. L’existence de cette contrepartie monétaire justifie l’exclusion du bénéfice fiscal pour les échanges qui ne sont plus majoritairement composés de titres sociaux.
**B. La pertinence du recours à la valeur nominale des titres**
Le grief principal reposait sur l’arbitraire supposé du recours à la valeur nominale plutôt qu’à la valeur vénale des titres échangés. Le requérant estimait que ce choix créait une différence de traitement injustifiée selon la présence ou l’absence d’une prime d’émission.
Les juges rappellent qu’ils ne possèdent pas un pouvoir général d’appréciation ou de décision de même nature que celui appartenant au Parlement. Ils vérifient seulement si les modalités retenues par la loi ne sont pas « manifestement inappropriées à l’objectif visé » par le législateur.
Le choix de la valeur nominale rend compte de l’importance de l’opération au regard du capital social de l’entreprise faisant l’objet de la restructuration. Ce critère est jugé objectif car il s’appuie sur une donnée comptable stable et facilement vérifiable par les services de l’administration fiscale.
**II. La préservation de l’égalité devant les charges publiques**
**A. L’absence de rupture caractérisée de l’égalité devant l’impôt**
L’article 13 de la Déclaration de 1789 exige que la contribution commune soit également répartie entre les citoyens en raison de leurs facultés. Le requérant critiquait un effet de seuil excessif qui méconnaîtrait la réalité économique de la transaction financière réalisée par l’assujetti.
Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en affirmant que les dispositions ne créent pas « d’effets de seuil manifestement disproportionnés » pour les contribuables concernés. La limite de dix pour cent constitue une frontière raisonnable entre l’échange pur de titres et la cession onéreuse partielle.
La charge pesant sur l’assujetti n’est pas jugée excessive puisque le refus du sursis n’intervient que si le contribuable perçoit effectivement des liquidités. La perception immédiate de numéraire permet normalement de faire face au paiement de l’impôt dû au titre de l’année de l’échange.
**B. Le rejet d’une obligation de différenciation entre les contribuables**
Le principe d’égalité devant la loi n’impose pas de traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations juridiques ou économiques distinctes. Le législateur n’était donc pas tenu de moduler la règle selon l’existence ou non d’une prime d’émission lors de l’échange.
La décision affirme avec clarté que la loi peut traiter de manière identique des opérations d’échange de titres d’un même montant total. La différence de structure entre valeur nominale et prime d’émission ne nécessite aucune adaptation spécifique des seuils d’imposition par le Parlement.
Le Conseil constitutionnel rejette l’intégralité des griefs et confirme la validité constitutionnelle de cette mesure technique visant à encadrer les avantages fiscaux. Cette solution renforce la sécurité juridique des critères comptables utilisés pour définir les modalités d’imposition des plus-values mobilières des particuliers.