Le Conseil constitutionnel a rendu, le 7 juillet 2017, une décision relative à la conformité aux droits et libertés constitutionnels de certaines dispositions du code général des impôts. Cette question prioritaire de constitutionnalité porte précisément sur l’abattement pour durée de détention applicable aux plus-values de cession de valeurs mobilières réalisées par des dirigeants sociaux. Un contribuable avait cédé ses titres avant le premier janvier 2013 sous le régime spécifique d’abattement réservé aux dirigeants de petites entreprises partant à la retraite. Le non-respect ultérieur des conditions de ce régime dérogatoire a entraîné la remise en cause de l’avantage fiscal et l’imposition de la plus-value selon les règles nouvelles. Le requérant contestait l’impossibilité de bénéficier du nouvel abattement de droit commun pour les gains réalisés antérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme fiscale de 2013. Saisi par le Conseil d’État le 9 mai 2017, le juge constitutionnel devait déterminer si cette exclusion portait atteinte aux principes d’égalité et de garantie des droits. Le Conseil déclare les dispositions conformes à la Constitution, sous une réserve d’interprétation impérative visant à prendre en compte l’érosion monétaire subie par le contribuable évincé.
I. La validation de la frontière temporelle de la réforme fiscale
A. L’objectivité de la distinction fondée sur la date de réalisation
Le Conseil écarte d’abord le grief de méconnaissance du principe d’égalité devant la loi en s’appuyant sur la date d’entrée en vigueur des règles d’assiette. Il considère que les « règles de détermination de l’assiette des plus-values mobilières fixées par l’article 150-0 D (…) ne sont applicables qu’aux plus-values réalisées » après 2013. Cette solution repose sur l’existence d’une différence de situation objective entre les contribuables ayant réalisé leurs gains avant ou après la réforme législative de l’imposition. Le juge souligne que cette « différence de traitement, qui repose sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de loi » tel que défini.
B. L’absence d’atteinte aux situations légalement acquises
L’examen du grief tiré de l’article 16 de la Déclaration de 1789 permet au juge de confirmer la liberté du législateur de modifier les textes fiscaux. Le contribuable ayant sollicité un régime dérogatoire est « regardé comme ayant accepté les conséquences de la remise en cause de ce régime » en cas de faute. L’imposition immédiate selon les règles en vigueur l’année de la déchéance du régime ne porte ainsi aucune atteinte inconstitutionnelle à une situation légalement acquise ou espérée. Le Conseil estime que le non-respect des conditions légales fait perdre au redevable le bénéfice de la protection attachée aux effets légitimement attendus de la loi ancienne.
II. La préservation des facultés contributives par la réserve d’interprétation
A. Le constat d’une charge excessive liée au taux marginal maximal
Le Conseil constitutionnel censure toutefois l’absence de mécanisme correcteur pour les titres détenus sur une longue période et soumis brusquement au barème progressif de l’impôt. Il observe qu’un « taux marginal maximal d’imposition de 62,001 % s’applique à la plus-value réalisée avant le 1er janvier 2013 » suite à la déchéance du régime. Le juge relève que « l’application du taux marginal maximal à cette plus-value méconnaîtrait les capacités contributives des contribuables » en l’absence de toute atténuation de l’assiette. Cette sévérité fiscale excessive constitue une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques, imposant une protection particulière du patrimoine des citoyens concernés par ces mesures.
B. L’instauration d’un mécanisme de correction par l’érosion monétaire
Pour remédier à cette inconstitutionnalité, le Conseil impose l’application d’un « coefficient d’érosion monétaire pour la période comprise entre l’acquisition des titres et le fait générateur ». Cette réserve d’interprétation garantit que la charge fiscale reste proportionnée aux facultés réelles du redevable, en neutralisant la part nominale du gain liée à l’inflation. La solution s’inscrit dans le sillage de la jurisprudence antérieure du 22 avril 2016, étendant ainsi la protection contre la taxation des plus-values purement monétaires. Le dispositif final assure un équilibre entre l’efficacité du recouvrement de l’impôt et le respect des principes fondamentaux régissant la contribution commune de chaque citoyen.