Conseil constitutionnel, Décision n° 2017-645 QPC du 21 juillet 2017

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 21 juillet 2017, s’est prononcé sur la conformité de l’article 306 du code de procédure pénale à la Constitution française. La Chambre criminelle de la Cour de cassation avait transmis cette question prioritaire de constitutionnalité le 11 mai 2017 lors de l’examen d’un pourvoi criminel. Le requérant contestait la constitutionnalité du huis clos de droit accordé à la partie civile pour le jugement de certains crimes graves devant les assises. Il invoquait notamment la méconnaissance du principe de publicité des débats, de l’égalité devant la justice et du respect de la présomption d’innocence. Les Sages ont toutefois validé la disposition en estimant que le législateur poursuivait un objectif d’intérêt général lié à la protection des victimes. Cette décision souligne l’importance de la vie privée dans le procès pénal tout en préservant l’équilibre des droits fondamentaux des justiciables.

**I. La conciliation nécessaire entre publicité des débats et protection de la vie privée**

A. La légitimité d’une dérogation au principe de publicité des audiences

Le Conseil constitutionnel rappelle que le jugement d’une affaire pénale doit faire l’objet d’une audience publique sauf circonstances particulières nécessitant le huis clos. Le législateur a entendu « assurer la protection de la vie privée des victimes de certains faits criminels » pour éviter qu’elles renoncent à dénoncer ces actes. Cet objectif d’intérêt général justifie l’atteinte portée au principe constitutionnel de publicité des débats judiciaires normalement applicable devant toutes les juridictions pénales. La protection de l’intimité de la personne lésée prévaut ici sur l’exigence de transparence qui innerve habituellement le fonctionnement de l’institution judiciaire française.

B. L’encadrement strict du huis clos par la nature des infractions

La dérogation au principe de publicité ne s’applique que pour des faits revêtant une particulière gravité affectant la vie privée dans ce qu’elle a d’intime. Sont visés les crimes de viol, de tortures, d’actes de barbarie avec agressions sexuelles, de traite des êtres humains ou de proxénétisme aggravé. Le Conseil constitutionnel estime que le législateur a défini des « circonstances particulières justifiant cette dérogation » au regard de la spécificité de ces atteintes. Le caractère automatique du huis clos sur simple demande de la victime ne constitue donc pas une rigueur excessive au regard des objectifs poursuivis. Cette validation repose sur le constat que la publicité pourrait aggraver le traumatisme subi par la victime lors de l’évocation publique des faits.

**II. Le maintien des garanties procédurales fondamentales face aux prérogatives de la partie civile**

A. L’absence d’atteinte caractérisée au principe d’égalité devant la justice

Le requérant affirmait que cette prérogative exclusive de la partie civile rompait l’équilibre entre l’accusé, le ministère public et la défense lors du procès. Le Conseil constitutionnel juge que cette différence de traitement est justifiée par l’objectif de protection de la vie privée précédemment identifié par les Sages. Les juges soulignent que cette disposition « ne modifie pas l’équilibre des droits des parties pendant le déroulement de l’audience » pénale devant la juridiction. Le respect des droits de la défense demeure assuré puisque le huis clos n’empêche nullement l’exercice du contradictoire entre l’accusation et la défense. La procédure criminelle conserve son essence équitable malgré l’absence de public, car les garanties substantielles offertes à l’accusé restent intégralement protégées par la loi.

B. La préservation de la présomption d’innocence malgré la terminologie légale

Le grief relatif à la violation de la présomption d’innocence visait l’usage du terme « victime » pour désigner la partie civile avant toute condamnation. Les Sages précisent que ces dispositions désignent simplement la partie « ayant déclaré avoir subi les faits poursuivis » lors de la mise en mouvement de l’action. Par conséquent, « il ne s’en déduit pas une présomption de culpabilité de l’accusé » aux yeux des membres de la formation de jugement criminelle. La qualification législative est purement procédurale et ne préjuge en rien de l’issue du procès ni de la culpabilité finale de la personne poursuivie. Cette interprétation pragmatique écarte tout risque de confusion entre le statut administratif de la partie civile et la culpabilité juridique de l’accusé.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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