Conseil constitutionnel, Décision n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017

Par une décision rendue le 31 mai 2017, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité à la Constitution des dispositions de l’article L. 167-1 du code électoral. Cette question prioritaire de constitutionnalité porte sur les modalités d’accès aux antennes du service public de radiodiffusion et de télévision lors des campagnes pour les élections législatives. Une association politique contestait la différence de traitement entre les partis représentés par un groupe parlementaire et les formations ne bénéficiant pas d’une telle représentation à l’Assemblée nationale. Les premières disposaient de trois heures d’émission, tandis que les secondes étaient limitées à sept minutes seulement, sous réserve de présenter au moins soixante-quinze candidats. Le Conseil d’État a transmis cette question le 29 mai 2017, soulevant une potentielle méconnaissance du pluralisme des courants d’idées et du principe d’égalité devant le suffrage. La juridiction constitutionnelle devait déterminer si la rigidité de cette répartition ne portait pas une atteinte excessive à la participation équitable des partis à la vie démocratique. Le Conseil censure les dispositions contestées tout en aménageant leur abrogation, ainsi qu’il convient de l’analyser en étudiant d’abord le constat d’une rupture d’équilibre manifeste (I) puis les modalités de rétablissement du pluralisme (II).

**I. Le constat d’une rupture d’équilibre manifeste**

**A. La validation de principe d’une distinction fondée sur la représentativité**

Le Conseil constitutionnel admet que le législateur puisse prévoir des règles différenciées d’accès aux émissions audiovisuelles pour éclairer le choix des citoyens. Il juge ainsi « loisible au législateur » d’arrêter des modalités favorisant « l’expression des principales opinions qui animent la vie démocratique de la Nation ». Cette faculté répond à l’objectif d’intérêt général de clarté du débat électoral, évitant une fragmentation excessive de l’information délivrée aux électeurs. La haute juridiction reconnaît que la composition de l’Assemblée nationale sortante constitue un critère pertinent pour évaluer l’importance des différents courants politiques nationaux. En conséquence, réserver un temps d’antenne spécifique aux groupes déjà représentés ne constitue pas, en soi, une méconnaissance des principes constitutionnels de participation.

**B. La sanction de la disproportion entre les temps d’antenne**

La décision souligne toutefois que les modalités fixées ne doivent pas conduire à des durées d’émission « manifestement hors de proportion » avec la participation réelle des partis. Le Conseil relève que les formations non représentées à l’Assemblée nationale subissent une limitation de leur temps de parole à une durée forfaitaire extrêmement réduite. Ces durées peuvent s’avérer « significativement inférieures » à celles des formations bénéficiant de groupes parlementaires, sans égard pour leur représentativité effective dans le pays. Une telle différence de traitement méconnaît l’exigence de « participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation » prévue par l’article 4. La loi affecte ainsi l’égalité devant le suffrage de manière disproportionnée en empêchant l’émergence de nouveaux courants d’idées importants lors du débat électoral national.

**II. Les modalités de rétablissement du pluralisme**

**A. L’aménagement temporel de l’abrogation des dispositions**

Le Conseil déclare les paragraphes II et III de l’article L. 167-1 contraires à la Constitution, mais il décide de reporter l’effet de cette abrogation. Une disparition immédiate des textes priverait de « toute base légale » la détermination des durées d’émission pour les élections législatives prévues quelques jours après l’audience. Le Conseil constitutionnel utilise son pouvoir de modulation dans le temps pour fixer la date de l’abrogation au 30 juin 2018. Ce report permet d’éviter un vide juridique majeur qui paralyserait l’organisation de la campagne audiovisuelle officielle et nuirait gravement à la sincérité du scrutin. La juridiction assure ainsi une conciliation nécessaire entre le respect des principes fondamentaux et les impératifs pratiques de la continuité du processus électoral.

**B. La mise en place d’un régime transitoire correcteur**

Afin de garantir l’immédiateté de la protection constitutionnelle, le Conseil prescrit des mesures transitoires applicables dès les élections de juin 2017 pour les candidats concernés. Il impose désormais de prendre en compte « l’importance du courant d’idées ou d’opinions » représenté par les partis n’ayant pas de groupe parlementaire à l’Assemblée. Cette représentativité doit s’apprécier selon le nombre de candidats présentés et les résultats obtenus lors des derniers scrutins intervenus depuis les précédentes élections législatives. Le Conseil autorise une augmentation des durées d’émission, laquelle « ne peut, toutefois, excéder cinq fois les durées fixées » initialement par les dispositions déclarées inconstitutionnelles. Cette solution pragmatique rétablit une forme d’équité immédiate tout en laissant au Parlement le soin de définir ultérieurement un nouveau cadre législatif pérenne.

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Hassan KOHEN
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