Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 31 mai 2017, se prononce sur la conformité de l’article L. 167-1 du code électoral à la Constitution. Ce texte encadre l’accès des partis politiques aux médias publics pendant la campagne électorale précédant le renouvellement des membres de l’Assemblée nationale.
Une association conteste la différence de traitement instaurée entre les groupements disposant déjà d’un groupe parlementaire et les nouvelles formations politiques en quête de représentation. Le litige est porté devant le juge constitutionnel par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par une ordonnance du Conseil d’État. La requérante soutient que les durées d’émission très limitées pour les partis non représentés à l’Assemblée nationale méconnaissent l’égalité devant le suffrage et le pluralisme des opinions.
Le problème juridique posé consiste à déterminer si une répartition rigide du temps d’antenne audiovisuel peut porter une atteinte disproportionnée aux exigences de l’article 4 de la Constitution. Il convient de se demander si le critère de la représentation parlementaire sortante garantit encore une participation équitable de tous les courants d’idées à la vie démocratique.
Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions contestées contraires à la Constitution car elles autorisent des durées d’émission manifestement hors de proportion avec la représentativité réelle des candidats. Il convient d’analyser l’affirmation d’une participation équitable des formations politiques au débat audiovisuel avant d’examiner la modulation des effets de cette inconstitutionnalité pour le scrutin.
I. L’affirmation d’une participation équitable des formations politiques au débat audiovisuel
A. La conciliation légitime entre la clarté du débat électoral et l’expression des courants d’idées
Le juge constitutionnel admet que le législateur puisse « favoriser l’expression des principales opinions qui animent la vie démocratique de la Nation » pour clarifier le débat électoral. Cette faculté permet de réserver un temps d’antenne spécifique aux partis représentés à l’Assemblée nationale en tenant compte des suffrages qu’ils avaient précédemment recueillis. L’objectif d’intérêt général de lisibilité de la campagne justifie ainsi une distinction entre les forces politiques selon leur importance respective dans le paysage institutionnel.
Toutefois, cette liberté de sélection des courants d’idées dominants doit impérativement respecter « la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique ». Le Conseil rappelle que le pluralisme constitue un fondement de la démocratie et exige que chaque formation puisse faire entendre sa voix auprès des électeurs. L’équilibre entre la stabilité des structures politiques et l’émergence de nouveaux mouvements devient alors le pivot du contrôle de constitutionnalité opéré par les juges.
B. L’inconstitutionnalité d’un critère de représentation parlementaire exclusif et disproportionné
Les dispositions législatives fixent un temps d’émission de sept minutes pour les partis non représentés alors que les groupes parlementaires disposent de trois heures de diffusion. Le Conseil constitutionnel juge que cet écart massif conduit à l’octroi de durées « manifestement hors de proportion avec la participation à la vie démocratique de la Nation ». Cette rigidité comptable ignore la réalité des forces politiques qui ne disposent pas encore d’élus mais bénéficient pourtant d’un soutien populaire significatif.
En limitant excessivement l’accès aux antennes du service public, la loi affecte l’égalité devant le suffrage dans une mesure qui excède les nécessités de l’ordre électoral. Le grief tiré de la méconnaissance du pluralisme des courants d’idées et d’opinions est donc accueilli, entraînant la censure des paragraphes II et III de l’article critiqué. La censure immédiate des textes risquerait néanmoins de priver la campagne audiovisuelle en cours de tout fondement juridique alors que les élections législatives approchent.
II. La modulation des effets de l’inconstitutionnalité pour la sauvegarde du scrutin législatif
A. Le report de l’abrogation législative afin d’éviter une absence de base légale immédiate
Le Conseil constitutionnel décide de reporter la date de l’abrogation des dispositions contestées au 30 juin 2018 pour préserver la sécurité juridique des opérations électorales. Une disparition instantanée de la loi « aurait pour effet d’ôter toute base légale à la détermination » des durées d’émission par l’autorité de régulation de l’audiovisuel. Cette technique permet au législateur de disposer du temps nécessaire pour rédiger une nouvelle mouture du code électoral conforme aux exigences constitutionnelles.
Cette prudence s’explique par la proximité immédiate des scrutins des 11 et 18 juin 2017 qui impose le maintien provisoire d’un cadre normatif pour la campagne. Le juge constitutionnel ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation identique à celui du Parlement pour créer de toutes pièces un nouveau régime permanent de répartition. Il doit donc concilier la protection des droits fondamentaux avec l’impératif de continuité de la vie démocratique et le bon déroulement des élections nationales.
B. L’instauration d’un régime transitoire fondé sur une appréciation concrète de la représentativité
Le juge impose une application immédiate et corrigée de la loi pour les élections législatives de juin 2017 afin de remédier partiellement à l’injustice constatée. La répartition du temps d’antenne doit désormais intégrer « l’importance du courant d’idées ou d’opinions » représenté par les partis ne disposant pas de groupe à l’Assemblée. Cette évaluation s’appuie sur le nombre de candidats présentés et sur les résultats obtenus lors des consultations électorales intervenues depuis le précédent renouvellement législatif.
Le Conseil précise que les durées attribuées aux petites formations peuvent être modifiées à la hausse jusqu’à atteindre cinq fois le temps initialement prévu par la loi. Cette solution pragmatique garantit une meilleure exposition médiatique des nouveaux mouvements politiques tout en évitant une remise en cause totale de l’organisation matérielle des émissions. L’autorité administrative se voit ainsi confier la mission de rétablir une équité minimale dans l’accès aux ondes pour la durée de la campagne officielle.